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Critique. « LES CRIMINELS » De Ferdinand Bruckner à la Colline

Fév 09, 2013 | Aucun commentaire sur Critique. « LES CRIMINELS » De Ferdinand Bruckner à la Colline

Critique Dashiell Donello

Des criminels à la fête foraine

JLFernandez 132

© Jean-Louis Fernandez

La pièce Les criminels nous livre le microcosme de la vie dans le contenant d’un immeuble  et les us et coutumes de la copropriété des hommes en société. La prédestination indiscrète, cupide, jalouse, des uns et des autres, dans l’organisation de son temps et de son intimité. Elle ne laisse pas de nous montrer aussi, un univers clos où la médiocrité loge l’apparence de la force ou de la faiblesse, dans les chambres de la prédation. Dans chaque appartement, y voit-on le mystère ? Non. Du personnage le plus effacé au plus ostentatoire, l’échelle des appétits sexuels et financiers sont les mêmes. Point de mystère dans ce qui est somme toute un mode de vie, dans l’ordinaire des choses. Le sexe et l’argent dominent tout ce petit monde, « le petit clan » comme dirait Marcel[1]. Que reste-t-il alors ? Sinon la violation de la loi et la criminalité avec les variantes d’un jeu d’échecs : du vol au crime, de l’interdit sexuel à la loi du plus fort et cetera. Comme la fable crie haro sur le baudet[2], cette société de criminels condamne les plus faibles et sauve les plus irrespectueux. Une société à leur image où les perdants ne sont pas à la fête. Telle que l’était la société allemande de l’entre-deux guerres ; et de l’idéologie barbare qui allait suivre. Un ingrédient théâtre de premier choix donc. On se languissait déjà d’une histoire épique et on était tout ouïe. Hélas ! Le chef était loin d’être étoilé.

Comme il est recommandé aux intellectuels de ne pas jouer avec des allumettes, il faut mettre en garde tout metteur en scène qui ferait trop joujou avec la tournette de la Colline (doit-on amortir son coût ?) et autre gadget de la machinerie théâtrale. La pièce emblématique de Ferdinand Bruckner (1891- 1958) ne mérite  pas de tourner comme un lait caillé de morgue ; mais bien au contraire doit nous faire boire du petit lait révolutionnaire avec l’objectif d’un théâtre du temps et du progrès qui coule depuis Shakespeare, Brecht, en passant par Edward Bond et Rodrigo Garcia, aujourd’hui. Malheureusement cela n’est pas le cas. La mise en scène (est-ce le bon mot ?) est un véritable cancer prolongé par une scénographie de fête foraine où aucun lot n’est à gagner. Il ne nous reste plus qu’à découvrir, lire ou relire « Les Criminels » en attendant celui qui soignera Bruckner de la maladie que lui a infligé cette dommageable proposition.

LES CRIMINELS
de Ferdinand Bruckner
Mise en scène Richard Brunel
Avec Cécile Bournay, Angélique Clairand, Clément Clavel, Murielle Colvez, Claude Duparfait, François Font, Mathieu Genet, Marie Kauffmann, Martin Kipfer, Valérie Larroque, Sava  Lolov, Claire Rappin, Laurence Roy, Thibault Vinçon
Avec la participation de Nicolas Hénault, Gilbert Morel

Durée 3h entracte compris
Du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30

Grand Théâtre
Du 8 février au 2 mars 2013

Le texte de la pièce a paru aux Éditions Théâtrales en octobre 2011.

Rencontre autour de l’œuvre de Ferdinand Bruckner animée par Laurent Mulheisen, traducteur de la pièce, avec Heinz Schwarzinger, Ruth Ortmann, traducteurs et Richard Brunel, metteur en scène
Samedi 16 février à 17h30
Discussion avec l’équipe artistique
Le mardi 19 février à l’issue de la représentation

La Colline -Théâtre national
15 rue Malte-Brun
Paris 75020
Métro Gambetta
http://www.colline.fr

 


[1] Marcel Proust
[2] Les animaux malades de la peste. La Fontaine
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