Critiques // Critique. « Le Signal du promeneur » par le Raoul Collectif au Théâtre de la Bastille

Critique. « Le Signal du promeneur » par le Raoul Collectif au Théâtre de la Bastille

Nov 30, 2012 | Aucun commentaire sur Critique. « Le Signal du promeneur » par le Raoul Collectif au Théâtre de la Bastille

ƒƒƒ Critique de Suzanne Teïbi

©Cicci Oisson

Le chant pour rassembler

Sur le plateau d’abord nu et noir, cinq hommes arrivent au compte-goutte. Cinq promeneurs. Tous portent une lanterne – comme trace de leur chemin, peut-être long, pour arriver jusqu’ici – et tous vont prendre le temps de s’installer. De se retrouver.

Une chose est troublante, très vite: ce sont cinq singularités qui font partie d’un collectif, et l’enjeu est de trouver un équilibre entre l’individu et le groupe.

Leur moyen à eux, c’est le chant. Ainsi le spectacle s’ouvre sur un chant, comme la métaphore et le socle de leur proposition. Le chant représente manifestement un temps pour poser les bases entre les promeneurs. Ils ont besoin d’un temps certain. Ils le prennent. Puis quelque chose se passe. Lentement, le chant s’ouvre au spectateur. Ça y est, il nous inclut. Ça y est, le chant est déplacé des promeneurs vers nous. Les promeneurs ne sont pas des personnages. Ils sont des témoins. Ils vont prendre en charge une parole, un récit, une révolte inspirés d’histoires réelles. Ce sont des histoires d’hommes en rupture avec la société. Traversé par un besoin de dire, le Raoul Collectif transforme le réel en fiction pour lui restituer sa force. Il se demande en quoi chacune de ces histoires est symptomatique d’un dysfonctionnement de notre société. Il tente de refaire du sens là où l’on est en droit de se demander s’il y en a encore. Pourquoi ces hommes, à un moment donné, ont finalement et violemment rompu avec leur vie? Les cinq comédiens interrogent la vie – le modèle économique néolibéral, les transformations de la famille, la pression sociale – avec une énergie folle, un humour décalé et salvateur.  Ils nous emmènent dans leur réflexion avec une grande générosité.

La force du collectif

Faire du théâtre devient ici une façon de penser le monde. Le plateau est un endroit où l’on peut dire, interroger, se révolter, et en rire. C’est en tout cas ce que propose avec une grande force Le Signal du promeneur. Et la question du collectif semble être pour beaucoup dans la justesse du propos. Car la dynamique et la bienveillance du groupe sont palpables. Ainsi peut émerger la singularité de chacun. Son énergie, et sa place d’individu dans le groupe.

Au-delà du propos du spectacle, le collectif pose intrinsèquement la question du politique au théâtre, par le choix d’un mode d’organisation du travail.

C’est un moyen de se positionner dans le monde, un outil politique pour avancer. Le Signal du promeneur s’est écrit collectivement en faisant de nombreux allers-retours entre la table et le plateau. Le texte est marqué par l’équilibre entre le travail individuel et le travail collectif. Il rencontre toutefois une limite dans le cadre narratif. En effet, si le Raoul Collectif revendique le fait qu’il n’y a pas de ligne narrative, le temps de la représentation s’élabore finalement en une succession de monologues, par moments interrompus par les réactions des autres promeneurs à la parole de l’un des leurs. Or, le spectacle devient véritablement exaltant lorsqu’il décloisonne le système des monologues pour créer un véritable espace d’échange, que le dialogue  construit une cohérence globale permettant de créer du lien entre tous ces témoignages. Il y parvient partiellement, et c’est avec la mémoire de ces quelques moments de grâce que l’on peut espérer que la prochaine création du Raoul Collectif explore cette piste davantage.

Le Signal du promeneur
Conception et mise en scène: Raoul Collectif
Assistanat à la mise en scène: Edith Bertholet
Costumes: Natacha Belova
Son: Julien Courroye
Lumière: Emmanuel Savini
Regard extérieur: Sarah Testa
De et avec: Romain David, Jérôme de Falloise, David Murgia, Benoît Piret, Jean-Baptiste Szezot

Jusqu’au 13 décembre 2012 à 21h – Dimanche 2 décembre à 18h – Dimanche 9 décembre à 15h et 20h – Relâche les 29, 30 novembre et les 4 et 10 décembre

Théâtre de la Bastille
76, rue de la Roquette – 75011 Paris
Métro : Bastille
Réservations: 01 43 57 78 36
www.theatre-bastille.com

 

 

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