ƒƒ Critique Dashiell Donello

Le Livre de Damas et des prophéties, c’est la réunion de deux pièces : Un jour de notre temps et Le Viol. La première rend compte des méthodes autoritaires du pouvoir en place par l’écrasement de l’individu ; la seconde aborde le conflit israélo-palestinien par la vision de quelques juifs courageux, en profond désaccord avec le sionisme.

Ces deux pièces sont bien du temps présent, et l’on remercie Fida Mohissen de sortir de l’ombre un grand auteur Syrien méconnu en France. On pense, quand on regarde son théâtre, bien évidemment, à l’incessante guerre au proche orient et à la sanglante oppression syrienne qui lamine et assassine, aujourd’hui, son propre peuple.

Né en Syrie en 1941, Saadallah Wannous a écrit une dizaine de pièces, dirigé une revue de théâtre et une collection d’ouvrages collectifs dédiée à la pensée arabe contemporaine. Dès le début des années soixante Saadallah Wannous écrit un théâtre dont le sujet traite de l’individu face à la société. Mais le traumatisme de la guerre israélo-libanaise (1982) stoppera durant 10 ans son écriture.   Il reprendra le chemin du théâtre début des années 1990 ; à travers de nouvelles pièces politiques et engagées. Il décédera à l’âge de 56 ans.

La mise en scène de Fida Mohissen prend le relais du grand dramaturge syrien dans un regard transversal, comme si nous étions à la fenêtre de la tragédie. La scène est striée de faisceaux lumineux et donne l’impression que le vide est une blessure, où l’œil de la répression épie le moindre faux pas d’une coupable silhouette. Un brouillard permanent semble signifier l’enfer du doute et du spirituel. Comme, Fida Mohissen le dit lui-même dans note (intime) : « (…) Un questionnement me poursuivait : pourquoi quelqu’un comme Saadallah (et d’autres penseurs éclairés, engagés, progressistes et intègres) devait-il pourrir en enfer ? C’est précisément cette question qui a déclenché en moi cette quête du vrai ou du faux, du spirituel ou du religieux, de l’ombre et de la lumière, de l’apparence et de la vérité et enfin de degré littéral ou du symbolique dans le sacré ».

On pourrait objecter dans cette proposition continûment musicale d’être trop mise en lumière et d’être un tantinet dans l’air de la mode théâtrale. Trop de distanciation aussi peut verser dans le conventionnel.  Les complications rendues par l’adaptation de deux pièces en un conte, lu ou joué par les comédiens, font que parfois on se perd un peu dans l’histoire de Farouk et d’Isaac ; ainsi que dans les changements de leur personnage. Mais il suffit à notre joie découvrir le grand écrivain politique qu’est Saadallah Wannous.

Le Livre de damas et des prophéties Saadallah Wannous
D’après Un jour de notre temps et Le viol de Saadallah Wannous (traduction collective)
Mise en scène et scénographie Fida Mohissen assisté de Gersende Michel
Chorégraphie Alain Louafi,
Musique Michel Thouseau,
Maquillage et accessoires Colette Kramer
Avec David Ayala, Tewfik Jallab, Khadija el Mahdi, Malik Faraoun, Stéphane Godefroy, Corinne Jaber, Benoît Lahoz, Bruce Myers et Michel Thouseau (contrebassiste)

Théâtre de L’Aquarium
La Cartoucherie, route du champs-de-manœuvre, 75012 Paris
Métro : château de Vincennes- Bus 112- arrêt Cartoucherie
Jusqu’au 12 décembre – Du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 16h
http://www.theatredelaquarium.net

 

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