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Critique. Le journal d’une machine. Texte et mise en scène Matsuo Suzuki à la MCJP

Avr 29, 2013 | Aucun commentaire sur Critique. Le journal d’une machine. Texte et mise en scène Matsuo Suzuki à la MCJP

ƒƒƒ Critique Dashiell Donello

journal-machine-4-5e474© NOBUHIKO HIKIJI

Matsuo Suzuki ou l’art du second degré

A la Maison de la culture du Japon, la programmation nous réserve toujours de prestigieuses rencontres. L’année dernière avec Minoru Betsuyaku et son épatant Voilà Godot ! Et aujourd’hui avec l’iconoclaste Matsuo Suzuki et sa pièce Le journal d’une machine ; une critique trash et burlesque de la société japonaise vue à travers l’enfermement d’une cellule familiale.

Le journal d’une machine débute dans une chaude journée d’été. L’orage tombe sur un préfabriqué contigu à une usine dirigée par Akitoshi, amputé d’un testicule qu’une créature aquatique a dévoré. C’est dans cette baraque insalubre que vit emprisonné son frère cadet, un surdoué en électronique, Michio. L’été précédent, Michio avait violé Sachiko dans le préfabriqué. Pour réparer la faute de son frère, Akitoshi s’est marié  avec Sachiko. C’est dans une promiscuité tordue que Akitoshi, Michio et Sachiko vivent ensemble. Le premier enchaîné, la seconde obligée par son mari à vivre avec Michio qu’elle ne considère pas comme un violeur, le trouvant même plus sympathique que son époux qui la frappe régulièrement. Pour achever le portrait de cette perversité familiale et exquise cruauté du second degré, voici Keiko, une femme masculine, munie d’un clitoris de 4 centimètres, qui s’offre à Michio comme « machine sexuelle ». 

Vers un théâtre de la non-émotion, du chaos ?

Pour décrire le théâtre de Matsuo Suzuki, on pourrait dire qu’il se trouve dans l’action et ne se laisse jamais aller à l’émotion. Il y a la volonté d’un décalage chaotique qui permet que l’humour et le drame se côtoient. On peut penser au manga, mais ce n’est pas central à la pièce. La plasticité des corps est excentrée du sol au plafond pour littéralement prendre son pied sur une armoire ou un futon. Le jeu outré à la japonaise fait des signes à travers le feu et nous fait penser à Artaud et son théâtre de la cruauté. Nous assistons à la violence de l’affligeante domesticité. Les volets clos censurent la vision réelle de cette famille sur le fil de la dépravation. La frontière, d’un monde heureux à celui de l’effroi, n’est distante que d’une vision de fenêtres éclairées dans le mystère de la nuit. A l’extérieur, le monde « heureux » les perçoit tout à fait conformes aux bonnes mœurs. Mais l’intérieur est la réalité tragique d’une famille qui surnage. C’est dans ce sablier d’un manga possible que s’évide l’horrible face humaine. Qui n’est pas sans rappeler cet exemple dont nous parle Matsuo Suzuki : « Il y a eu une tragédie au Japon dont j’ai parlé dans une de mes pièces. Une jeune mariée décide de jouer un tour à son mari avec des amis. Ils creusent un trou sur la plage puis le camouflent pour surprendre le mari. Le jeune couple tombe au fond du trou mais, tout autour, le sable s’effondre et les enterre vivants. Les amis ont appelé les secours mais il était trop tard. Une tragédie proche du manga, si j’ose dire ».

Dans une mise en scène bien dessinée mais un peu trop tournoyante à notre goût, son théâtre se joue comme jouerait un groupe de rock : avec l’électrique attitude d’un Michael Jackson dans une saison de Vivaldi. On espère donc que Matsuo Suzuki et son exceptionnelle troupe reviendront vite avec une nouvelle pièce car le public français est déjà fan de son théâtre.

Le journal d’une machine
Texte et mise en scène de Matsuo Suzuki
Avec Anne Suzuki, Yusuke Shoji, Shuji Okui, Rie Minemura
Scènographe Tomoyuki Ikeda
Créateur lumières Satoshi Sato
Concepteur son Akame Fujita
Concepteur vidéo Taiki Ueda (& fiction)
Costumes Kyoko Toda
 
Maison de la Culture du Japon à Paris
101 bis Quai Branly 75015 Paris
Métro : Bir Hakeim ou RER : Tour Eiffel
mcjp.fr

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