Critiques // Critique. « Le cercle de craie caucasien » de Bertolt Brecht. Mise en scène Fabian Chappuis. Théâtre 13

Critique. « Le cercle de craie caucasien » de Bertolt Brecht. Mise en scène Fabian Chappuis. Théâtre 13

Jan 20, 2013 | Aucun commentaire sur Critique. « Le cercle de craie caucasien » de Bertolt Brecht. Mise en scène Fabian Chappuis. Théâtre 13

Critique d’Anna Grahm

cercle de craie

 ©DR

Une fable comme machine de guerre

Le prologue nous montre des villageois qui tentent de se mettre d’accord afin de tirer le meilleur parti d’une même terre. Projet d’irrigation pour les deux Kolkhozes, pari sur l’avenir d’un partage que l’on espère fructueux et annonce d’un spectacle pour sceller ce changement de mentalités. Sur le plateau deux plans inclinés, manipulés à vue par les comédiens vont servir les différents lieux de la fable qui va être racontée. Tout commence par la promesse amoureuse de deux tourtereaux un poil empotés. Survient une révolution. Cris, débandade, on joue le désordre et la fuite en avant. Et au milieu de l’agitation, on oublie un bébé dans son panier que l’humble servante Groucha décide finalement de prendre sous son aile. Tout le récit s’attache aux pas et au périple de cette femme de caractère, qui, contre vents et marées va faire preuve d’amour et de courage et qui sera prête à tous les sacrifices pour sauver l’enfant. Une mère courage, une fille qui respire la bonté, une femme généreuse mais un spectacle qui s’étire, qui malgré elle parfois s’essouffle. Tendue, tiraillée, traquée, cette petite fille du peuple qui aura couru à travers les montagnes et les vallées, qui aura disparu sous un autre nom que le sien, sera retrouvée et conduite devant le juge Azdak qui devra décider de son sort.

Une histoire dans l’histoire, ou comment se partager une terre, un enfant. Une histoire d’enfant. Deux mères le réclament. Le tribunal pour trancher décide d’appliquer l’épreuve du cercle de craie. Qui sera la mère, celle qui tirera l’enfant à elle comme le réclame le juge ou celle qui refusera de lui faire du mal en l’écartelant. Qui est la mère. Celle qui l’aime ou celle qui l’a conçu.

L’usage délibéré de la contradiction

Brecht qui écrit sa pièce en 1945 interroge le droit du sol et le droit du sang et place au cœur de sa réflexion, un combat pour l’enfant. L’image de la marionnette, qui prend vie et grandit sous nos yeux, est saisissante de vérité, de tendresse, elle ressemble à s’y méprendre à un petit être humain. Et l’on se trouble chaque fois qu’elle bouge, et l’on est fasciné par l’irrésistible illusion et l’on suspend sa respiration à chaque apparition de ce petit homme de bois.

Le théâtre de Brecht met le spectateur dans le rôle d’observateur pour lui permettre de questionner les mutations du collectif, il le met à distance pour mieux le mettre en relation avec l’humanité de chaque personnage. Ici l’utilisation de la marionnette nous chamboule, nous tire du côté de l’émotion et nous renvoie vers les changements de notre société. Mais est-ce que notre candeur apprendra du déplacement.

Il y a cette démarche hésitante de l’enfant fragile et fragilisé par la situation, il y a ces drôles de coiffes, ces masques, ces crânes de buffles qui nous font voyager. Il y a ces bulles de théâtre qui mettent à jour les modifications que la vie peut réserver, ce mouvement incessant de ceux qui n’en finissent pas de monter, et de redescendre, il y a ces jeunes acteurs encore maladroits, et raides, qui sous le poids de la pudeur, s’alourdissent de trop d’affectation mais qui vont, cent fois sur le métier, se délester, et aller en s’allégeant. Et puis il y a notre imagination qui comme une terre a sans cesse besoin d’eau, d’eux, pour devenir fertile.

Le cercle de craie caucasien de Bertolt Brecht
Mise en scène de Fabian Chappuis
Marionnettes et masques Sébastien Puech et Priscille du Manoir
Coiffes Philippe Fargeas
Avec Jean-Patrick Gautier, Florent Guyot, Stéphanie Labbé, Jean-Christophe Laurier, Benjamin Penamaria, Agnès Ramy, Boris Ravaine, Marie-Céline Tuvache, Elisabeth Ventura et Éric Wolfer

Jusqu’au 3 mars 2013 – mardi, jeudi et samedi à 19h30, mercredi et vendredi à 20h30, dimanche à 15h30

Au théâtre 13
30 rue du Chevaleret 75013 Paris
Métro : Bibliothèque François Mitterrand
Réservation : 01 45 88 62 22
http://www.theatre13.com/

 

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