Critiques // Critique . La pluie d’été d’après Marguerite Duras à L’Aquarium

Critique . La pluie d’été d’après Marguerite Duras à L’Aquarium

Avr 13, 2013 | Aucun commentaire sur Critique . La pluie d’été d’après Marguerite Duras à L’Aquarium

ƒƒ critique Denis Sanglard

632cac3e4dd73172f1c55eb46d4647f0© Mathilde Chapuis

Ernesto refuse de retourner à l’école. On lui apprend des choses qu’il ne sait pas. Alors que lui sait. Intuitivement. Sans avoir appris il sait lire. Il sait aussi que Dieu n’est pas. Sa sœur Jeanne le croit. Les parents sont dépassés mais le protègent, surtout la mère qui l’entoure d‘une tendresse énorme. L’instituteur est perplexe qui s’endort si facilement en chantant « allo maman bobo ». Texte de Marguerite Duras La Pluie d’Eté est une œuvre délicate, un éloge de la différence, un hommage à l’enfance et ses mystères. Ernesto est une énigme pour les adultes.

Ça commence doucement. Les acteurs s’emparent du livre et commencent la lecture. Imperceptiblement le théâtre s’installe. Le lecteur devient comédien et énonce son rôle. Ils n’ont pas l’âge d’Ernesto, ni de la mère, ni du père. D’aucun des personnages. Ils ne sont que trois qui s’emparent de cette œuvre particulière, comme ça, sans effet, sans esbroufe, tout simplement. La scène est un carré vide, autour de laquelle nous sommes. Eux et nous. Ils se répondent d’un coté l’autre, de temps à autre rejoignent le centre du plateau avant de rejoindre leurs bancs. Le temps s’étire, rien n’est précipité. De longues pauses parfois. Il y a quelque chose de rare qui advient. Nous sommes dans le temps de la lecture. Comme si nous aussi lisions ce texte, le découvrions et prenions le temps de poser le livre. La sobriété de la mise en scène, son abnégation devant le texte, son absence même de point de vue apparent ouvrent tout entier au mystère de cet enfant, de sa relation au monde des adultes. Nous sommes au même niveau de regard de ces adultes. Devant quelque chose d’insondable et d‘incompréhensible. La seule clef ouvrant cet univers est sans doute Jeanne, la sœur d’Ernesto. Les acteurs s’emparent des rôles avec bonheur, sans rechercher la composition. Ce n’est pas vraiment neutre mais encore une fois laisse au spectateur la place de s’immiscer dans cet espace ouvert, de jouer aussi au « si magique ». En acceptant cet effacement et sans résister à cette singulière « mise en espace » la petite musique particulière, unique, de Marguerite Duras se fait entendre de façon évidente. C’est bien plus qu’une adaptation qui impliquerait de fait trahison. En ne reprenant stricto sensu que les parties dialoguées du roman de Marguerite Duras, en omettant la partie romanesque, ils ne trahissent pas mais, paradoxalement, donnent une épaisseur au mystère Ernesto.

LA PLUIE D’ÉTÉ
D ‘après Marguerite Duras
Mise en scène et adaptation de Lucas Bonnifait
Avec Jean-Claude Bonnifait, Ava Hervier, Raoul Raïs
Lumières Karl-Ludwig Fransisco et Alice Versieux
Son  Sébastien Rouiller
Vidéo Jean-Baptiste Saurel

Théâtre de l’Aquarium / Cartoucherie de Vincennes
Route du champs de manœuvre
75012 Paris
Métro : Château de Vincennes puis navette

Jusqu’au 28 Avril 2013 – Du mardi au samedi à 20h30 – Dimanche à 16h

Réservations : 01 43 74 99 41
www.theatredelaquarium.net

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