Critiques // Critique . « La place royale » Pierre Corneille. Mise en scène Anne-Laure Liégeois

Critique . « La place royale » Pierre Corneille. Mise en scène Anne-Laure Liégeois

Nov 30, 2012 | Aucun commentaire sur Critique . « La place royale » Pierre Corneille. Mise en scène Anne-Laure Liégeois

ƒ Critique de Djalila Dechache

© Christophe Raynaud de Lage

« La passion ici n’est pas refusée par devoir. Le devoir d’Alidor, ce serait d’épouser Angélique et de tenir parole. Cette passion est refusée avec passion. La passion est la cause même de son refus ».»Bernard Dort, Pierre Corneille : dramaturge, Paris L’Arche, 1957.

La pièce, La Place Royale ou l’Amoureux Extravagant, extravagant étant synonyme ici et au 17ème siècle de baroque, imprévu, irrégulier, a été écrite en 1634 par Pierre Corneille, (1606-1684) alors âgé de 28 ans. On pourrait penser qu’il avait l’âge des comédiens du Français dans la distribution de 2012 que signe Anne-Laure Liégeois. Sauf que, les siècles diffèrent ainsi que les valeurs qui construisent les sociétés et les êtres. Formé chez les jésuites, il suit des études de droit et découvrira l’art oratoire en devenant avocat. En 1682, soit deux ans avant sa disparition et près de 50 ans après la première version, Pierre Corneille réécrit une nouvelle version de la même pièce, revisitée, allégée dans la langue tout en respectant les règles de la bienséance. C’est cette version qui a servi à Anne-Laure Liégeois pour élaborer son travail de création.

La Place Royale, comédie en cinq actes, présentée comme la comédie la plus moderne de Corneille, est montée pour la première fois à la Comédie-Française, s’attelle à la question de l’amour et ses différentes conceptions, en mêlant raison et sentiments, philosophie et affects. Peut-on aimer en restant libre ? « Je veux la liberté dans le milieu des fers ».

Que l’amour est chose compliquée

Alidor s’aime beaucoup et aime Angélique mais l’amour d’Angélique est gênant car il ne veut pas perdre sa liberté. Il voudrait qu’elle se donne à son ami Cléandre. S’ensuit un jeu de lettre mensongère sur l’infidélité d’Alidor qui a pour conséquence qu’Angélique s’éloigne de lui, comme prévu, mais pour se rapprocher de Doraste et non de Cléandre. Cette orientation ne sied pas à Alidor qui la séduit à nouveau. Lorsqu’Angélique découvre qu’elle a été manipulée une fois de plus par Alidor, « que mon pouvoir me nuit et qu’il m’est cher vendu », elle décide de quitter le monde pour entrer au couvent pour n’aimer que Dieu parce que « Qui change une fois change à toute occasion » et aussi « si j’aime on me trahit, je trahis si on m’aime ». Tel est le paradoxe qu’Angélique vit, subit et comprend à ses dépens. Nous sommes dans le théâtre cornélien avec ses doutes, ses questions, ses retournements et le choix à faire.« C’est de moi seulement que je prendrai la loi » cette tirade résume la démarche d’Alidor.

Faut-il se prêter plutôt que de se donner vraiment ? C’est le point de vue de Phylis qui conseille Angélique  « Conserve lui ton cœur mais partage tes yeux ».Est-il nécessaire de jouer à perdre celle que l’on aime pour la reconquérir ensuite ?  « Puisqu’elle me plaît trop, je dois lui déplaire ».Les comédiens, très actuels dans leurs costumes et postures physiques, font ce qu’ils peuvent pour tenir le jeu et le rythme de l’alexandrin qui n’est pas facile en soi sauf s’il devient naturel à la manière de Denis Podalydès-Alidor. On ne peut que comprendre Anne-Laure Liégeois lorsqu’elle dit que « La première terreur, le premier bonheur aussi, pour moi, c’est l’alexandrin ».Il faut attendre un bon moment pour que le texte soit vraiment audible par les comédiens et non pas récité. Quelques jours de représentations devraient apporter le liant nécessaire.

Anne-Laure Liégeois signe une mise en scène modernisée en prenant comme appui central un parquet de bal des années 60 .Pour la quatrième saison son compagnonnage avec la Comédie-Française se poursuit et c’est une bonne initiative.  On a mal pour Polymas qui dans la pièce d’origine est la servante d’Alidor, toute vêtue de strass fait tapisserie tout au long de l’heure et 50 minutes, alors que les autres comédiens s’agitent à n’en plus finir et aucun ne lui adresse la parole. Cela dit, nul ne peut oublier la création de cette pièce en 1992 au CDN-Théâtre de La Commune d’Aubervilliers, par Brigitte Jaques lorsqu’elle y était co-directrice avec François Regnault. Dans sa création, il y avait beaucoup de légèreté, d’élégance, tourbillon rafraichissant où l’alexandrin sonnait au rythme de l’enthousiasme de la jeunesse.

La Place Royale, Pierre Corneille
Mise en scène, scénographie et costumes : Anne-Laure Liégeois
Lumières : Marion Hewlett
Collaborateur à la dramaturgie : Jean-Christophe Cavallin
Assistant à la mise en scène : Mathieu Quintin
Assistante à la scénographie : Yaël Haber
Assistante costumes : Colombe Lauriot Prevost
Assistant lumières : Patrice Lechevallier
Avec Eric Génovèse  – Alain Lenglet – Florence Viala  – Denis Podalydès  – Elsa Lepoivre  – Clément Hervieu-Léger  – Benjamin Lavernhe  – Muriel Piquart

Jusqu’au 13 janvier 2013  – Mercredi à samedi à 20h -16h le dimanche et 19h le mardi

Théâtre du Vieux –Colombier
21 Rue du Vieux-Colombier, Paris 6e
Métro : Saint-Sulpice, Sèvres-Babylone
Réservation 01 44 39 87 00/01
www.vieux.colombier.fr

http://www.comedie-francaise.fr

 

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