Critiques // Critique • La Cie Dairakudakan à la Maison de la Culture du Japon : « Hai No Hito »

Critique • La Cie Dairakudakan à la Maison de la Culture du Japon : « Hai No Hito »

Déc 01, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • La Cie Dairakudakan à la Maison de la Culture du Japon : « Hai No Hito »

Critique de Denis Sanglard

Hai no hito l’homme de cendre, est la dernière création de Maro Akaji, fondateur de la compagnie Dairakudakan. Pour ceux qui y assistèrent ce fut un moment d’une force incroyable, traversé d’instants stupéfiants, éclaboussé de beauté et de vie. Danser l’humain, danser un paysage, danser la matière, le butô c’est tout cela et plus encore. Maro Akaji et sa troupe, dans une création d’une grande subtilité, loin de la provocation baroque à laquelle ils nous avaient habitués, dansent les catastrophes annoncées, dansent la destruction du monde, l’infernal cycle de l’humanité et sa beauté. Cataclysmes naturels ou guerres fratricides et religieuses, le monde est en cendre. Mais pour ceux qui attendaient avec un tel sujet une création butô bourrée de clichés, corps en souffrance, grimaçants, tordus, ils en seront pour leur frais. Maro Akaji offre un moment d’espoir formidable, d’optimisme joyeux et serein. C’est une création légère, toute en retenue où la cendre est métaphore de destruction mais aussi de vie. A l’image de Maro Akaji lui même, vieille folle androgyne emperruquée, qui sur le plateau couleur grisaille surgit de la cendre et donne la vie jusqu’à épuisement…Ses apparitions stupéfient. Sa présence est phénoménale. Présence dilatée qui occupe la totalité du plateau et semble flotter, c’est un kami facétieux surgit du néant, penché sur les gouffres de nos vies.

© Matsuda Junichi

Les danseurs, femmes et hommes, eux même ne sont pas en reste qui de tableaux en tableaux se métamorphosent. Hommes-cendres, hommes-nuages, femmes-volcans… Rien de réaliste pourtant, tout l’art du butô est contenu en un geste parfois esquissé qui prend une ampleur insoupçonné. Le groupe forme un tout, uni dans la même énergie, énergie rentrée, concentrée qui donne une étrange pulsation à cette création sidérante et d’une vitalité tranquille. Il y a une cohésion non dans le geste lui-même, chacun est porteur de sa propre histoire et donc de son geste, mais dans l’ensemble du groupe. Qu’ils tremblent, la terre se dérobant sous leurs pieds, où qu’ils se balancent portés par le vent, leurs corps sont en apesanteurs. Ils sont comme vides, enveloppe souple et délicate qui se soulève au gré de respirations étranges et mystérieuses, se plie aux moindres métamorphoses…C’est une seule et même respiration, un souffle unique. Cela ne manque parfois pas d’humour comme toujours avec Maro Akaji. Un humour dévastateur et salvateur, propre au butô, jamais très loin du grotesque. Surtout quand il reprend à son compte l’histoire de cendrillon ! Mais le plus troublant sans doute est l’histoire singulière de cette création. Six jours avant la première, en pleine répétition, eu lieu le séisme meurtrier que l’on sait, suivi du tsunami. Ainsi et malgré soi cette création porte en filigrane ce drame et donne sans aucun doute un poids involontaire à ce qui est offert sur le plateau. Ce qui pourrait y être anecdotique prend une dimension tragique involontaire et soudaine qui inscrit de fait cette création dans la réalité. Malgré tout Maro Akaji, capable de danser sur un volcan, offre une création d’un optimisme réconfortant. Où les fleurs, à l’image du dernier tableau, éclosent de la cendre dans une explosion de couleur…

« Une terrible catastrophe a ébranlé l’Archipel.
Je reste debout,
Fixant du regard ce choc survenu dans l’univers.
Sur une terre dévastée, silencieuse et horrible, un homme marmonnait
« il faut faire avec. »
Tout au fond de cet homme consumé de désespoir,
Je vis qui commençait à luire
Une étincelle de vie.
Nous, les Dairakudakan,
nous ne faisons que danser
Pour apaiser les âmes
Des nombreuses personnes sacrifiées. »

Maro Akaji, annonce faite lors des représentations à Tôkyô en mars 2011

Hai no Hito – L’Homme de Cendre
Chorégraphie et direction artistique, interprétation : Maro Akaji
Avec : Takuya Muramatsu, Kumotaro Mukai, Atsushi Matsuda, Tomoshi Shioya, Barrabas Okuyama, Kohei Wakaba, Yuta Kobayashi, Emiko Agatsuma, Akiko Takakuwa, Naomi Muku, Azuza Fujimoto, Junko Manabe, Risa Ito, Yumiko Nishimori, Yuka Mita
Musique : Keisuke Doi
Costumes : Kyoto Domoto
Création du motif du sol : Yasuhiko Abeta
Création des structures métalliques : Kiyoto Honda
Concepteur lumières : Noriyuki Mori

Du 17 au 29 Novembre 2011

Maison de la Culture du Japon
101 bis quai Branly, Paris 15e
Métro Bir Hakeim – Réservations 01 44 37 95 95
www.mcjp.fr

www.dairakudakan.com

Be Sociable, Share!

Répondre

You must be Logged in to post comment.