ƒƒ Critique Dashiell Donello

© Erick Labbe

Robert Lepage doit sa renommée de metteur en scène à La Trilogie des dragons. Elle est arrivée, dans les années quatre vingt, par fragments sur les plateaux de théâtre, pour former un ensemble, qui a ravi un public international.

Jeux de cartes 1 : Pique, est aussi une pièce fragmentée. Pique est la première partie des quatre couleurs d’un jeu de carte où chaque atout est représentatif du sujet ; Cœur, Carreau, Trèfle sont à venir. Chaque carte joue dans cette partie parallèle à d’autres parties, le dix ne respecte plus les commandements, l’as n’est qu’un pilier de bar, le valet, en bon petit diable, rejoue l’histoire de Job dans le désert et la bible de l’hôtel ne doit pas être une sous-tasse pour kleenex.

Pique explore le thème de la guerre. De toutes les guerres, on pourrait dire : celle qui tue, celle qui trompe l’amour, qui alimente l’addiction au jeu, à l’alcool etc., mais aussi la guerre des luttes intimes, des démons cachés et des contradictions. Les personnages parient  sur eux-mêmes à quitte ou double et font banco sur l’espoir. Leur vie est en parallèle de deux cités, construites au cœur de deux déserts, durant l’invasion des Etats-Unis en Irak (2003).

Robert Lepage nous mène dans les illuminations de Las Vegas sur une scène giratoire, qui fait penser à une table de jeu de baccara. La merveilleuse scénographie de Jean Hazel, intelligemment mise en lumière par Louis-Xavier Gagnon-Lebrun, est une sorte de casse tête chinois fait de mille et une astuces.

Comme un magicien ferait sortir une colombe d’un chapeau, Robert Lepage fait sortir d’une trappe : des soldats US, un grand hôtel, une piscine, un casino, et même le désert Irakien. C’est à la fois un carrousel manœuvré par des succubes en quête d’âmes déficientes, la chambre de garnison d’un soldat violé par d’autres soldats ou encore un Las Vegas mythique dans le bruit des bandits manchots et le prêche d’Elvis célébrant le mariage d’une future criminelle.

In fine le tout est aspiré dans la volute guerrière de l’inhumanité. Les mondes parallèles s’évaporent et les dés du hasard roulent d’éternité. Voici que tout se pose. Dans le silence le dieu de pique nous montre la voute étoilée d’un paradis perdu.

Le « croupier » Robert Lepage distribue les cartes de sa mise en scène avec maestria. Sa direction d’acteur rafle le tapis ; et ses joueurs autour de la table sont tous à citer : Sylvio Arriola, Nuria Garcia, Tony Guilfoyle, Marton Haberstroh, Sophie Martin, Roberto Mori et bien sûr les techniciens de l’ombre sans qui le Deus ex machina ne pourrait s’incarner.

Les jeux sont faits ! Rien ne va plus ! Le théâtre est gagnant à la table des plaisirs. Distribuons l’atout de cœur futur et espérons avoir en main un meilleur jeu dramaturgique ; car si nous avons passé un bon moment théâtral, nous déplorons un texte plein de bonnes intentions, mais dont la trame ne fait pas toujours sens. Un spectateur disait sur la rangée de devant : « Ha ! Si c’était avec le texte d’Hamlet ! C’eût été grandiose ! »

Jeux de cartes 1 : Pique
Textes de Ex Machina : Sylvio Arriola, Carole Faisant, Nuria Garcia, Tony Guilfoyle, Martin Haberstroh, Robert Lepage, Sophie Martin, Roberto Mori
Mise en scène Robert Lepage
Avec Sylvio Arriola, Nuria Garcia, Tony Guilfoyle, Martin Haberstroh, Sophie Martin, Roberto Mori
Dramaturgie Peder Bjurman
Assistance à la mise en scène Félix Dagenais
Musique originale composée et interprétée par Philippe Bachman
Scénographie Jean Hazel
Conception des éclairages Louis-Xavier Gagnon-Lebrun
Conception sonore Jean-Sébastien Côté
Conception des costumes Sébastien Dionne
Assisté de Stéphanie Cléroux
Conception des accessoires Virginie Leclerc
Conception des images David Leclerc
Artiste éolien Daniel Wurtzel
Perruques Rachel Tremblay

Jusqu’au 14 avril 2013

Odéon Ateliers Berthier
Entrée du public : 1, rue André Suares
Paris 75017 (angle du bd Berthier)
M° Porte de Clichy
Réservation au 01 44 85 40 40
http://www.theatre-odeon.eu/fr

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