Critique Denis Sanglard

J’ai bataillé ferme hier soir au Vieux Colombier où Hernani de Victor Hugo était présenté dans une mise en scène de Nicolas Lormeau

Hernani Nicolas Lormeau_010 © Brigitte Enguérand.jpg

Lequel a resserré le drame, évacué toute référence historique et politique pour ne garder que le cœur de l’intrique concentrée autour d’un quatuor tragique. Dona Sol doit épouser son oncle, aime Hernani, est aimée du roi. Ce que résume le sous-titre de la pièce : trois hommes, une femme.

Le plateau est nu, solution idéale quand on sait combien Victor Hugo éclatait les lieux et le temps. Et Bi-frontal.  Les corps ainsi libres de circuler gravitent et s’attirent, s’entrechoquent. Une chorégraphie des sentiments en libre circulation. Mais cela atteint ses limites et bientôt les acteurs tournent très vite en rond, les gestes et les mouvements se répétant en deviennent mécaniques… Et la bi-frontalité n’apporte ici pas grand-chose. Sans doute que la salle du Vieux Colombier ne s’y prête guère. Cela manque d’air, cela semble tassé. Cela étouffe le drame.

Victor Hugo c’est surtout une langue et une musicalité. Une puissance évocatrice sans pareil parmi ses contemporains. L’alexandrin brisé en maints endroits semble apparaître et disparaître en vagues successives. Il y a un souffle singulier. C’est un mélange de brutalité, de trivialité et de noblesse unique. C’est ce qui ne fige pas son œuvre, ne la cristallise pas et la rend si dynamique. C’est sa modernité intrinsèque, celle là même qui fit se déclencher la bataille éponyme et se lever les anciens contre les modernes. Soit. Alors pourquoi à l’exception de Dona Sol (Jennifer Decker), les répliques sont-elles ici pratiquement et systématiquement hurlées, passées en force. Comme s’il fallait se battre contre le vers hugolien. Les acteurs, tous, sont justes mais on perd énormément par cette explosion permanente jusqu’à en être quelque peu abruti. C’est d’autant plus dommageable que Félicien Juttner, Hernani, a la fougue et l’allant du parfait jeune premier romantique. Le couple qu’il forme avec Jennifer Decker, Dona Sol, est idéal de jeunesse et de résolution farouche.

Hernani
De Victor Hugo
Version scénique, scénographie et mise en scène de Nicolas Lormeau
Avec Bruno Raffaelli, Françoise Gillard, Jérôme Pouly, Félicien Juttner, Jennifer Decker, Elliot Jenicot.
Avec la voix de Thierry Hancisse.
Musique originale: Bertrand Maillot
Costumes: Renato Bianchi
Lumières: Pierre Peyronnet
Collaborateur artistique: Patrick Haggiag
Théâtre du Vieux Colombier
21, rue du Vieux Colombier, 75006 Paris

Jusqu’au 18 février
Du mercredi au samedi à 2Oh, 16h les dimanches et 19h les mardis.

Location: 01 44 39 87 00 / 01
www.comedie-francaise.fr

 

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