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Critique. Eyolf (quelque chose en moi me ronge) d’après Ibsen au Théâtre de l’Aquarium

Fév 13, 2013 | Aucun commentaire sur Critique. Eyolf (quelque chose en moi me ronge) d’après Ibsen au Théâtre de l’Aquarium

Critique Bruno Deslot

Une création échouée sur l’estran d’une tension à peine palpable !

eyolf_visuel_1 © DR

Beaucoup moins connu qu’Hedda Gabler ou Maison de poupée, Petit Eyolf, texte du dramaturge Henrik Ibsen, mêle la légende à la vie en offrant au destin une dimension totalement irrationnelle dont Hélène Soulié décide de s’emparer en adaptant la pièce en compagnie du collectif Exit.

Dans ce travail d’adaptation, Hélène Soulié et Renaud Diligent rebaptisent l’œuvre d’Ibsen, Eyolf (quelque chose qui me ronge), en abordant la complexité de la solitude, des rapports homme-femme, celui du couple, exacerbant ainsi, toute la douleur que la nature humaine charrie. Lors de sa création en Norvège (1895) Petit Eyolf, d’Ibsen, reçoit un accueil triomphal et n’est remonté en France qu’en 1896 par Lugnée Poe au Théâtre de l’œuvre. C’est une pièce de pleine maturité. Rita Allmers, qui est tout aussi excessive que Nora ou Hedda Gabbler, est peut-être moins séduisante parce que la pièce examine, met à jour et en cause son propre excès – la volonté de posséder celui qu’elle aime-, comme d’ailleurs, celui de son mari Alfred Allmers – la volonté exacerbée de « faire œuvre »-.

Dans une langue sèche, tendue et serrée, Hélène Soulié et Renaud Diligent (d’après la traduction de Terje Sinding), tissent les liens indicibles de la pensée humaine et celle d’une histoire terrible où la perte d’un enfant cristallise les comportements. Les champs sémantiques exploités sont d’une fluidité et d’une simplicité apparente pour mieux révéler la complexité des rapports entre les personnages de la pièce. Cette tragédie contemporaine aborde la mort et ses rapports que nous entretenons avec elle. Les frontières entre le monde des vivants et celui des morts ne sont pas étanches, les porosités sont nombreuses. Les auteurs tentent l’expérience de la fascination qui ne fonctionne malheureusement pas en raison d’une mise en scène où « le silence minimum » comme disait Ariane Mnouchkine, fait autorité durant toute la pièce !

Un silence peu éloquent !

Les comédiens sont raccordés à des micros dont l’objectif est certainement de mettre l’accent sur la dimension intimiste du propos, et pour accentuer une tension trop volontariste. L’ensemble manque de nervosité, de rupture et d’une présence magnétique des acteurs. Peut-on parler de mise en scène ou doit-on évoquer une lecture dirigée ? Le ton monocorde des comédiens plonge le spectateur dans un ennui effroyable, une éprouvante torpeur dont seule, la magistrale interprétation de Dominique Frot la « Demoiselle aux rats », nous extirpe du sommeil d’Endymion, durant un moment extatique. Fragile, sensible, puissante et intrigante à la fois, elle investit le plateau avec une charge émotionnelle balayant tout sur son passage. Toujours sur le fil, son phrasé si particulier fait d’elle une énigme, une exception dans le paysage du spectacle vivant. Elle est le personnage de la « Demoiselle aux rats », celle qui emporte Eyolf jusque dans les fonds marins, là où il se noiera. Pas besoin d’être dirigée, la scène lui appartient, tout comme le texte qu’elle s’approprie avec une aisance toute exceptionnelle.

Emmanuelle Debeuscher réalise une scénographie propre et efficace, faisant écho au parti pris d’Hélène Souliè : jouer la carte de l’épure. La lumière blanche se reflétant dans un voile, suspendu au-dessus du plan incliné sur lequel les comédiens jouent, tente de placer les mots au plus près d’une tension à peine palpable. Malgré tout, 1h40 durant, l’ensemble ne décolle pas et le Ferry se fait attendre.

 

Eyolf (quelque chose en moi qui me ronge)
Texte : d’Henrik Ibsen
Adaptation : Hélène Soulié et Renaud Diligent
Traduction en français : Terje Sinding
Editions Le spectateur Français –Imprimerie nationale Editeur)
Mise en scène : Hélène Soulié
Assistant à la mise en scène – dramaturgie : Renaud Diligent
Scénographie : Emmanuelle Debeuscher
Costumes : Catherine Sardi
Lumière : Maurice Fouilhé
Son : Adrien Cordier
Vidéo : Maia Fastinger
Avec : Elsa Agnès, Claire Engel, Dominique Frot, Régis Lux, Emmanuel Matte, et en alternance les enfants Arthur Rouesnel, Diego Guerra et Roméo Creton

Jusqu’au 3 mars 2013 – Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16 h

Théâtre de l’Aquarium
Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
Réservations : 01.43.74.99.61
1h avant et après les représentations navette gratuite au métro château de Vincennes
www.theatredelaquarium.com

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