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Critique. « Et la nuit sera calme ». Librement adapté Des brigands de Schiller, au Théâtre de la Bastille

Mar 18, 2013 | Aucun commentaire sur Critique. « Et la nuit sera calme ». Librement adapté Des brigands de Schiller, au Théâtre de la Bastille

Critique Dashiell Donello

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© Franck Beloncle

Friedrich von Schiller (1759-1805), poète et écrivain allemand, situe sa pièce Les brigands (1782) dans l’univers d’une famille de la noblesse allemande, les von Moor : Le comte Maximilian, ses deux fils Karl et Franz ainsi que la cousine Amalia. Franz, jaloux de Karl, intrigue  auprès de son père pour déshériter ce frère libertin qui contrarie son dessein de courtiser Amalia. Par des intentions mensongères, Franz accuse Karl de vols et de luxure. À la suite de ces calomnies, Maximilian répudie son fils. Condamné injustement, Karl organise et forme avec ses amis un groupe de brigands pour lutter contre le despotisme des puissants et la défense les opprimés.

Révolte ou émancipation ?

Quand on lit le petit fascicule que nous offre le précieux théâtre de la Bastille, on se dit que les intentions de mise en scène d’Amélie Énon et de « réécriture dramaturgique » de Kevin Keiss sont certainement sincères, mais difficilement visibles et intelligibles sur le plateau. Certes, la volonté d’édifier une passerelle historique en dialogue avec l’héritage théâtral de nos ainés est louable ; à condition de ne pas confondre révolte et émancipation d’élève en mal d’un savoir-faire probable mais non certain. Si on ne propose rien de nouveau, d’essentiel, d’impérieux, à la pièce Les brigands à quoi bon amoindrir cette œuvre en devenant des faussaires de la scène ? Il eut été plus judicieux de commencer par éclairer la pièce originale, par l’énergie de la jeunesse, tel que l’avait écrit Schiller – et ainsi d’en faire l’expérience –  plutôt que de malmener un auteur qui, par son écriture, était l’un des porte-drapeaux de la révolte du romantisme allemand.

Parfois la valeur doit attendre le nombre des années. Et les coups d’essais ne sont pas toujours des coups de maître. La compagnie Les irréguliers a-t-elle pris conscience qu’avec un tel nom, il y a danger de l’être. L’inégalité de sa production a-t-elle sous-estimé la charge de travail qu’il faut fournir, avant que l’on ne devienne  une compagnie accomplie ? La matière théâtrale ne peut supporter les expériences improvisées, et les collages approximatifs avec un texte qui, lui, a passé les bornes de l’air du temps pour devenir un classique.

J’ai beaucoup de difficulté à porter à la scène les textes tels qu’ils sont écrits. Je n’ai jamais pu en respecter un à la lettre. Il faut que je coupe et que je réécrive. Les textes du répertoires sont une matière vivante dont je m’empare et que je modèle pour qu’ils puissent donner à entendre tous leurs sens et leurs forces, nous dit Kevin Keiss. Justement, si les textes sont une matière vivante, il faut prendre garde de ne pas les blesser, sinon ni leurs sens ni leurs forces ne peuvent s’entendre ; et ce qui parvient au public n’est plus qu’un texte mutilé et fragile. Donc, s’il vous plaît, un peu de modestie.

Rien n’oblige la réécriture d’un texte. Il est de douloureuses expériences, quand on veut entrer dans la dimension théâtrale sans en connaître toutes les lois qui la régissent. L’écriture du plateau métissée avec l’écriture dramatique n’est pas toujours heureuse. Le superflu n’est pas l’ami du théâtre. Pour être en phase avec cet art, il faut faire confiance à la force d’un texte, à l’aura des personnages et de leur relation avec le public.

Que l’on ne se trompe pas sur la teneur de cette critique, ce n’est pas tant le texte original qui est en question que l’intégrité du sens de l’œuvre de Schiller. La sensation hybride de la mise en scène tient plus de l’étude, comme on dirait en peinture, que du tableau achevé. Car on ne fait pas du théâtre contemporain, en bricolant un « classique », sans tenir compte de sa propre modernité. Mais comme dit l’autre : c’est en forgeant qu’on devient forgeron.

Et la nuit sera calme
Librement adapté Des brigands de Schiller,
Compagnie Les Irréguliers
Mise en scène : Amélie Énon
Adaptation et dramaturgie : Kevin Keiss
Avec : Jérémie Bergerac, Vassili Bertrand, Chloé Chaudoye, Hugo Eymard, Julien Geoffroy,Maxime Kurvers, Mexianun Medenou, Malvina Morisseau, Charles Zevaco

Jusqu’au 13 avril 2013

Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette
75011 PARIS
M° Bastille ou Voltaire
www.theatre-bastille.com

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