Critiques // Critique. « Dénommé Gospodin » de Philipp Löhle, mise en scène Benoît Lambert, à la Colline

Critique. « Dénommé Gospodin » de Philipp Löhle, mise en scène Benoît Lambert, à la Colline

Mai 19, 2013 | Aucun commentaire sur Critique. « Dénommé Gospodin » de Philipp Löhle, mise en scène Benoît Lambert, à la Colline

ƒ  critique Suzanne Teïbi

 

03-15Go028©Elisabeth Carecchio

Vivre autrement

Gospodin est un marginal qui veut vivre sans argent. En dehors du système capitaliste. Il maintient un fragile équilibre social et conjugal jusqu’au moment où Greenpeace lui retire son lama, seul lien qui lui permettait de supporter la société dans laquelle il vit sans se reconnaître. Et d’être indépendant. Car Gospodin ne travaille pas et ne veut pas s’inscrire au chômage.

Quand je suis arrivé avec le lama et que j’ai dit que maintenant j’étais indépendant, vous avez tous rigolé. Et que s’est-il passé ? J’étais indépendant. J’avais cherché une source de revenus qui me permettait de survivre de façon agréable en dehors du capitalisme, indépendamment de tout système d’exploitation par le travail. (…) Je n’avais pas besoin de prendre des décisions et j’étais mon propre chef. »[1]

À partir du moment où l’on ôte à Gospodin sa manière de réinventer un quotidien supportable en le bricolant – être indépendant grâce à un lama, ce n’est pas ce qu’on appelle une manière révolutionnaire de changer le système collectivement – Gospodin n’a plus le choix que de se poser profondément la question comment vivre différemment ?

Et Gospodin part de lui, et non du collectif, pour développer tant bien que mal son chemin autrement. Mais il est seul. Sa compagne, sa mère et quelques amis ou faux amis, sont autant de personnages auxquels se frottent ses tentatives.

Le dispositif scénique, aseptisé et étouffant dans la première partie du spectacle, se révèle remarquable dans la seconde partie. Il laisse voir les coulisses et la machinerie derrière. Il ouvre et délivre le regard du spectateur après l’avoir ostensiblement fermé.

Dénommé Gospodin est bien très mené, monté, interprété, mais reste très sage. Le texte, le personnage-même de Gospodin et les thèmes mis en jeu auraient-il pu permettre une prise de risque plus grande ?

Dans le livret donné aux spectateurs sont soulevées des questions passionnantes nourries par des essais qui traitent de la consommation, des actes politiques et citoyens pour vivre autrement.

« La pauvreté volontaire, c’est le choix libre et éclairé d’un être humain que sa quête d’être humain conduit à vivre dans la plus grande simplicité, quel que soit le contexte extérieur. Ce choix radical traduit un désir de se libérer de toute forme de dépendance matérielle qui risquerait de nuire à cette quête. (…) Ce choix, au quotidien, exprime la volonté de vivre une vie libérée de tout superflu, une vie simple, mais au contenu riche ».[2]

Le texte de Philipp Löhle et le spectacle de Lambert vont-ils assez loin pour restituer la radicalité de cette pensée ? La caricature des personnages entourant Gospodin décrédibilise trop grossièrement toute résignation.  Parallèlement, si Gospodin trouve en la prison sa manière radicale de vivre sa liberté relative, il ne l’a pas choisie. Il l’a subie autant que le cheminement qui l’amène là.

 

Dénommé Gospodin
Texte : Philipp Löhle
Traduction: Ruth Orthmann
Mise en scène : Benoît Lambert
Scénographie, lumière et vidéos : Antoine Franchet
Création sonore : Jean-Marc Bezou
Costumes : Marie La Rocca

Avec Christophe Brault, Chloé Réjon, Emmanuel Vérité, Florent Gauthier

Jusqu’ au 15 juin 2013

Du mercredi au samedi à 21h – Mardi à 19h – Dimanche à 16h30
La Colline – Théâtre national
15, rue Malte-Brun – 75020 Paris
Métro : Gambetta
Réservations : 01 44 62 52 52
www.colline.fr

 

 


[1] Philipp Löhle, Dénommé Gospodin

[2] Majid Rahnema, Quand la misère chasse la pauvreté, Editions Fayard/Actes sud, coll. Babel, 2003

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