Critique de Solveig Deschamps –

Phénomène de mode ou impératif social

Écrire sur le monde du travail, pas facile, il faut trouver l’accroche, celle qui va dédramatiser tout en nous donnant à penser. Rémi De Vos (Débrayage, La camoufle, Jusqu’à ce que la mort nous sépare, Occident…) s’est attelé à la tâche pour Christophe Rauck (ancien directeur du théâtre du peuple de Bussang, et directeur du TGP depuis 2008).

© Anne Nordmann

L’histoire de Cassé : Christine, virée de l’entreprise Prodex, survit à force de calmants prescrits par le médecin amoureux. Frédéric, le mari, informaticien chez Sodecom, déclassé, devenu responsable des poubelles, semble heureux, il peut enfin avoir des contacts humains. Jean-Bernard (le syndicaliste, meilleur ami de Frédéric) et Christine ne peuvent pas accepter cette situation. Christine organise le faux suicide de son mari ayant appris qu’elle pouvait toucher l’assurance vie si le suicide était causé par un trop gros stress lié au travail. Frédéric se cache alors dans le placard de la cuisine à chaque visite.

L’idée semble bonne, décalée, exploitable, peut même faire rire les travailleurs angoissés que nous sommes.

Tout pour Rien

Très belle scénographie d’Aurélie Thomas, rails à jardin et cour qui font apparaître et disparaître l’intérieur ouvrier de Christine et Frédéric, en fond de scène trois panneaux représentant la cuisine qu’on soupçonne avoir été achetée à crédit s’envolant dans les cintres au gré des scènes, morceau de plateau s’enfonçant dans le sous sol, le tout mis en lumière et obscurité par Olivier Oudiou. Jusque là tout va bien. Les costumes, rien à dire. Tout va bien. Christophe Rauck sait diriger un acteur mais il faut dire qu’il n’a pas choisi les pires. Virginie Colemyn, magnifique, nous emporte pendant deux heures trente dans le délire Rauck-De Vos, Michel Robin , facétieux à souhait nous ravit et Yveline Hamon , entre Maria Pâcome et Jacqueline Maillan, nous régale .Tout va toujours bien. Rauck fait démarrer le spectacle dans un quotidien dramatique et on y plonge, nous avons alors la conviction que nous allons passer une très bonne soirée, une émouvante soirée puis il nous embarque ailleurs comme s’il voulait dédramatiser, on se laisse faire, tout va.

© Anne Nordmann

Puis on se sent floué parce qu’on s’aperçoit qu’il s’agit plutôt d’un boulevard avec des facilités d’écriture un peu dérangeantes, rien ne va plus. Et puis cette impression s’estompe, on a dû se tromper nous sommes dans un spectacle burlesque très bien orchestré (notamment la scène du placard aux portes qui claquent) et puis on est en prise avec du gentiment drôle et à la toute fin l’interview à la Mireille Dumas devient très agaçant.

Théâtre bourgeois fait et écrit par des bourgeois qui racontent l’histoire des pauvres ? La question est posée ce qui ne veut pas dire qu’elle nécessite une réponse ni même qu’elle ait une légitimité. Mais d’où vient ce malaise qui m’a saisie à la fin de la représentation ? Je ne dois pas être quelqu’un de drôle.

Cassé
De : Rémi De Vos
Mise en scène : Christophe Rauck
Avec : Virginie Colemyn, Émeline Bayart, Yveline Hamon, Juliette Plumecocq-Mech, Grégory Gadebois, Philippe Hottier, Dominique Parent, Michel Robin
Dramaturgie : Leslie Six
Scénographie : Aurélie Thomas
Lumière : Olivier Oudiou
Costumes : Coralie Sanvoisin
Assistante et réalisation costumes : Peggy Sturm
Création sonore : David Geffard
Collaboration chorégraphique : Claire Richard

Du 12 janvier au 12 février 2012
Lundi, jeudi, vendredi à 19h30, samedi à 18h, dimanche à 16h

Théâtre Gérard Philipe
Centre Dramatique National de Saint-Denis
59 boulevard Jules Guesdes, 93200 Saint Denis
M° Saint-Denis Basilique — Réservations 01 48 13 70 00
www.theatregerardphilipe.com

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