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Critique • « Tabac rouge » de James Thiérrée au Théâtre de la ville

Juin 28, 2013 | Aucun commentaire sur Critique • « Tabac rouge » de James Thiérrée au Théâtre de la ville

ƒ Critique Dominique Waszkiewicz

Tabac rouge 1 Mario Del Curto

© Mario Del Curto

Un chaos de câbles arachnéens. Des néons clignotants devant un panneau de miroirs lépreux. Barres de projecteurs au travers de la scène. « But I miss you most of all my darling… », bribes musicales entrelaçant Pergolese à Caetano Veloso.

L’univers de « Tabac rouge » porte en lui, d’emblée, un air de fin du monde. Le grand corps dégingandé de Manuel Rodriguez se bat avec une cigarette et barres et hampes disparaissent dans les cintres, laissant place à une curieuse cour entourant un petit personnage gesticulant, interprété par Denis Lavant. Une silhouette passe, longue, noire et coiffée d’un abat-jour aux allures asiatiques. Elle traîne, accrochée à ses jupes, une machine à coudre. Un fauteuil lacéré et drapé de rouge, un baroque bureau musical constellé de feuillets et une Tabac Rouge 1229 RICHARD HAUGHTONsorte de gigantesque groupe électrogène complètent le décor inquiétant et agité d’un perpétuel mouvement.

 

Le cabinet de J.F Sebastian ou l’autre côté du miroir

Les danseuses qui entourent Denis Lavant gigotent, glissent, bondissent dans tous les sens. Fourmillement incessant et pantomime grotesque, elles ne sont pas sans rappeler les automates de Blade Runner. Insectes anthropomorphes ou mobiles réplicants, elles tournoient autour de leur « maître » comme autant d’inquiétants cauchemars en constante métamorphose.

Entre Alien et Matrix, le personnage de Denis Lavant se bat avec ces séduisantes chimères comme un Faust moderne aux prises avec ses démons. Parfois, il tire sur une pipe dont les arabesques dorées rappellent son ancienne condition d’applique. Solitude tragique dans un univers sonore hypnotique.

©  Richard Haughton

Le flamboiement des figures

Les derniers costumes des insaisissables djinns confirment une impression latente : les figures hallucinatoires de Jérôme Bosch nous indiquent que nous venons d’assister à un monstrueux jugement dernier construit à la manière des triptyques flamands. Il y a du Rogier Van der Weyden dans la chorégraphie de James Thiérrée où l’Apocalypse rejoint les tentations de Saint Antoine dans des tableaux mêlant ocres et rouges.

Ou peut-être tout ceci n’est que volutes, vains mirages d’une fumerie d’opium qui nous laissent un peu cois, étourdis de tant de talents, mais pas forcément conquis.

 

Tabac rouge
Interprété par : Denis Lavant, Anna Calsina Forrellad, Noémie Ettlin, Namkyung Kim, Matina Kokolaki, Valérie Doucet, Piergiorgio Milano, Thi Mai Nguyen, Ioulia Plotnikova, Manuel Rodriguez 
Mise en scène, scénographie & chorégraphie : James Thiérrée
Costumes : Victoria Thiérrée
Assistante à la mise en scène : Sidonie Pigeon
Assistantes à la chorégraphie : Kaori Ito, Marion Lévy
Combustions soniques : Matthieu Chédid
Construction : Anthony Nicolas, Fabrice Henches, Gerd Walter, Thomas Delot et les Ateliers du Théâtre Vidy-Lausanne
Régie plateau : Anthony Nicolas, Fabrice Henches, Gerd Walter
Son : Thomas Delot
Régie lumière : Bastien Courthieu
Habilleuses accessoiristes : Danièle Gagliardo ou Sabine Schlemmer
Confections et fabrications : Monika Schwarzl, Victoria Thiérrée, Marie Rossetti, Sabine Schlemmer et Laura Léonard
 
Jusqu’ au 8 juillet 2013
 
Durée 1h20
 
Théâtre de la Ville
2 place du Châtelet 75004 Paris
Métro : Châtelet
Réservation : 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com

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