Critique de Solveig Deschamps

Le Papotin existe depuis 20 ans. Les rédacteurs préfèrent se dire « atypiques », récusant la notion d’autisme. Ils se retrouvent tous les mercredis au Lucernaire, reçoivent avec plaisir et drôlerie ceux qui sont célèbres (acteurs, hommes politiques, chanteurs…) et aussi les autres.

« Paradoxe : vous et moi, nous acceptons pourtant la parenté de leurs troubles avec nos propres émotions intimes quand ils sont racontés ou mimés, au théâtre, au cinéma ou dans les livres, par d’autres que ces inconnus. » Moïse Assouline, psychiatre.

©Pierre Grosbois

Éric Petitjean a choisi le plateau pour nous faire entendre cette parole. Il a imaginé 4 personnages : Carole, Arnaud, Thomas et Nathanaël. 4 comédiens au service des mots. Retenue et léger décalage, les mots suffisent, ces mots écrits par ceux-là sont suffisamment forts pour ne pas faire comme si on était comme eux, à moins que ce ne soit leur implacable logique, qui permet d’échapper à la caricature: 1 plus 1 ne fait pas forcément 2. Ils sont drôles, tendres et justes avec cette volonté d’être ensemble réunis et isolés dans leur façon d’appréhender le monde.

Sur le plateau, un banc en bois et en fond de scène, un écran avec des carrés de toutes les couleurs ressemblant à un rubicube aplati, qui va se modifier mathématiquement quand les acteurs vont s’en rapprocher. Une magnifique idée du scénographe David Coignard, la vidéo prend tout son sens, ça tourne vraiment carré dans ces têtes là.

On assiste à 6 journées avec le rituel du « bonjour », les conversations à bâtons rompus,  l’adresse au spectateur, la joie de vivre et la souffrance. C’est drolatique et poétique. Éric Petitjean a choisi la simplicité, a évité l’écueil de l’incarnation. On aurait presque envie de lui demander pourquoi il n’a pas fait ce très beau travail avec ceux qui l’avaient écrit. Réponse toute évidente, nous, spectateurs, n’aurions pas pu y mettre de la distance, victimes de notre point aveugle, « notre tache de Mariotte », cette zone du champ visuel qui occulte la lumière.

Arnaud à Jean-Jacques Goldman : « Sur cette photo-là, comment ça se fait que tu as l’air malin ? »

Les Papotins ou la tache de Mariotte
D’après le journal Le papotin

Adaptation et mise en scène : Eric Petitjean
Avec : Silvia Cordonnier, Philippe Frécon, Christian Mazzuchini, Philippe Richard
Scénographie et vidéo : Arnaud Gautron
Lumières : Pierre Peyronnet
Costumes : Ariane Dionyssopoulos

Du 9 mars au 7 avril
Du mardi au samedi 20h30 – Dimanche 16h30 – relâche lundi

Théâtre de la tempête, Cartoucherie
Route du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris
Station Château de Vincennes, bus 112 –arrêt cartoucherie
Réservation : 01 43 28 36 36

www.la-tempete.fr

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