Critiques // Critique • « Je suis un prophète, c’est mon fils qui l’a dit ! » de et avec Abel Aboualiten à la Maison des Métallos

Critique • « Je suis un prophète, c’est mon fils qui l’a dit ! » de et avec Abel Aboualiten à la Maison des Métallos

Mai 16, 2012 | Aucun commentaire sur Critique • « Je suis un prophète, c’est mon fils qui l’a dit ! » de et avec Abel Aboualiten à la Maison des Métallos

Critique de Bruno Deslot

Abel Aboualiten est un prophète : parole d’évangile ?

Plongée dans une semi-obscurité, la petite salle de la Maison des Métallos exhale l’odeur de la menthe fraîche enivrant ainsi un public convié à un voyage en terre inconnue.

Deux arbres fendus, dont seule la partie intérieure est apparente, sont placés sur l’avant et l’arrière de la scène, à jardin et à cour, équilibrant ainsi un espace scénique épuré, libéré de toutes contraintes « esthétisantes ». Le ton est donné, l’aventure sera intimiste, surprenante et attachante. Abel Aboualiten est un « prophète », c’est son fils qui l’a dit ! Lourde responsabilité à assumer lorsqu’il s’agit de choisir son identité, ses identités à la lumière d’une volonté affirmée d’être avant tout maître de son destin. Introspection dans la matrice originelle, celle qui a enfantée Abel, pour mieux parcourir les chemins sinueux d’un passé complexe, riche et plein d’émotion. Un chemin de croix ? Yarabbi ! Yarabbi ! Ce n’est pas le genre de la maison ! Abel est musulman de naissance. Il retrace son chemin spirituel depuis son enfance, au gré des souvenirs qu’il égrène comme le Petit Poucet sème ses morceaux de pain dans la forêt. Car il y a quelque chose de foncièrement enfantin chez Abel, de naïf, candide et si généreux dans sa manière de se livrer au public. Clown triste, il emporte le spectateur vers des horizons inattendus avec cette fabuleuse légèreté qui le caractérise. Elève à l’Ecole de Mimodrame M.Marceau, Abel sait donner forme à ses pensées par le geste et se cogne à la vie, grand cirque et vaste mystère.

© DR

Dans une langue fluide, simple et efficace, le comédien nous livre durant 1h15 quelques souvenirs sur la difficulté d’échapper aux contraintes de la tradition et de la religion. L’ensemble est abordé avec humour et le chemin spirituel qu’Abel parcourt porte en germe un désir de liberté, d’émancipation, de refus de basculer dans le déterminisme. On naît chrétien, musulman, juif…mais doit-on le rester ? Musulman, Abel en porte les stigmates comme cette circoncision qu’il raconte dans un moment fort de douleur et d’angoisse. Sa mère n’est jamais bien loin, elle l’observe, veille sur lui en silence, à l’ombre du père qui la bat. Trop de sang, constate-t-il enfant lorsque l’on égorge le mouton pour la fête de l’Aïd, simplement en souvenir de la soumission d’Ibrahim à Dieu, symbolisé par l’épisode où il acceptait d’égorger son fils Ismaël sur l’ordre de Dieu, celui-ci envoyant au dernier moment un mouton par l’entremise de l’archange Gabriel pour remplacer l’enfant comme offrande sacrificielle.

Nos ancêtres, nos parents nous imposent un douloureux héritage que l’on porte comme un fardeau et dont il est difficile de se débarrasser. Toujours en action sous un éclairage relevant de l’oxymore, Abel procède par ellipses pour se confier à nous, pour oser aborder des questions délicates qui le rendent toujours plus attachant. Un seul en scène d’une grande générosité, interprété par un poète jongleur, « Je suis un prophète, c’est mon fils qui l’a dit » est un moment savoureux de simplicité et d’émotion.

Je suis un prophète, c’est mon fils qui l’a dit !

Texte, mise en scène et interprétation Abel Aboualiten

Du 15 au 20 mai 2012 et du 12 au 17 juin 2012 – Du mardi au vendredi à 20h ( sauf jeudi 17 ami)- Samedi à 19h – Dimanche à 16h

Maison des Métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud
75011 Paris

Métro : Couronnes ou Parmentier
www.maisondesmetallos.org
Réservation : 01 48 05 88 27

Du 7 au 28 juillet au Festival d’Avignon
Le Théâtre des Amants
1 Place du Grand Paradis
84000 Avignon
www.theatredesamants.com

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