Critiques // Critique • «  Au-delà » de Koen Augustijnen / les ballets C de la B au Théâtre national de Chaillot

Critique • «  Au-delà » de Koen Augustijnen / les ballets C de la B au Théâtre national de Chaillot

Avr 10, 2012 | Aucun commentaire sur Critique • «  Au-delà » de Koen Augustijnen / les ballets C de la B au Théâtre national de Chaillot

Critique de Jean-Christophe Carius

Ici, c’est l’idée de la mort qui donne le là.


La prise de conscience de la mort mène la danse du nouveau spectacle de Koen Augustijnen. Le chorégraphe d’origine belge, membre associé du collectif des Ballets C de la B, propose cette création inspirée de ses questionnements existentiels, bâtie à partir de la remise en question profonde que lui a imposée l’âge de la maturité humaine et l’émergence du sentiment que la mort est une finalité implicite et inéluctable. Ainsi d’entrée de jeu, la représentation de la mort est sur scène, robe blanche masculine à la danse étrange, effaçant par ses gestes le souvenir extatique d’un immense arc-en-ciel.

©Chris Van der Burght

Cinq personnes embarquent, ou débarquent, les pieds devant, dans un espace en transit inspiré du Bardo Bouddhiste, l’état intermédiaire entre naissance et mort ou entre mort et renaissance. Koen Augustijnen et les quatre interprètes co-créateurs, Claudio Girard, Fatou Traoré, Florence Augendre et Gil Ho Yang, se présentent dans l’apparence de leurs vérités personnelles. Il déjouent toute dramaturgie du personnage et incarnent les paroles, les chants et les danses qui composent cette œuvre, comme s’ils procédaient de leurs propres existences. Dans une diversité de genres, d’origines, de physiques et d’histoires, chacun s’applique à exprimer pour la dernière fois les moments clés, les sentiments majeurs, les gestes fondateurs, d’un chemin parcouru, qui se conclut ici. Ils inscrivent dans l’espace leurs mouvements enroulés, coordonnés mais disjoints, traduisant l’unicité de chaque équation individuelle au sein d’une problématique absolument commune.

De courts récits vécus constellent la pièce, des témoignages dont l’authenticité s’impose par la justesse de l’interprétation et qui ressemblent à s’y méprendre à ce que l’on puisse se dire à soi-même, sous la pression des moments d’intensité cruciale. Mais « au-delà » de cette conscience de soi, des vérités intimes qui nous concernent individuellement, il y a les forces qui nous gouvernent. Elles nous emballent indifféremment, comme des éléments, et les danseurs s’élancent dans de vibrantes chorégraphies d’ensemble ou les corps énergisés se meuvent à l’unisson, portés par la musique en transe du compositeur Keith Jarrett. Sur la crête de ces états « mouvementés », où l’on ne distingue plus ce qui joue et ce qui est joué, la chorégraphie déploie ces morceaux les plus spectaculaires et les plus impressionnants. Solidarisés, comme encordés invisiblement les uns aux autres, les danseurs composent sans relâche les sacs et les ressacs de vagues physiques, répétitives et éprouvantes. Belles dans l’articulation de leur régularité, dans l’énergie qu’elles dégagent, elles s’enchaînent presque inlassablement dans une forme semblable à celle de la mer, à la fois libre et contrainte.

Un vrai spectacle vivant qui parle de la mort

Koen Augustijnen compose cette pièce à partir de gestes simples, comme issus du quotidien, qu’il explore et déréalise jusqu’à en extraire la force plastique et énergétique. Il produit une esthétique personnelle et approfondie qui tire sa force de l’authenticité de son intention créatrice et s’ancre loin de tout effet de formalisation. Sa recherche corporelle met en scène jusqu’à l’essoufflement des danseurs accomplissant leurs performances. Un aspect habituellement masqué dans les spectacles parce qu’il révèle l’artiste dans la trivialité de son effort et brise l’effet de fiction rêvée. Il est ici mis en valeur, assumé, travaillé parfois dramatiquement jusqu’à lui imprimer un rythme d’asphyxie, présageant de façon poignante le dernier souffle. l’ensemble de cette approche amplifie considérablement l’interpellation du spectateur et créé, entre la scène et la salle, une communion crue dans laquelle tous se retrouve de plain-pied face à l’énigme indépassable qui nous est exposée. Koen Augustijnen et les quatre danseurs signent ainsi la création d’un authentique spectacle vivant. Vivant, parce qu’il aborde avec courage et humilité le sujet de la mort et qu’il propose d’en prendre conscience ensemble, de partager nos sentiments à son égard pour apprivoiser sa présence et continuer à vivre pleinement, avec elle à nos côtés.

Au-delà

de Koen Augustijnen / les ballets C de la B

Mise en scène et chorégraphie Koen Augustijnen

Créé et joué par Claudio Girard, Fatou Traoré, Florence Augendre, Gil Ho Yang, Koen Augustijnen

Dramaturgie Lou Cope

Conseil mouvement Annie Pui Ling Lok

Scénographie Wim Van de Cappelle

Eclairage Kurt Lefevre

Son Sam Serruys

Costumes Dorothée Catry assistée de Lieve Meeussen

Direction de production Eline Vanfleteren

Responsable tournée Steve De Schepper

Remerciements Helen Burnett, Rosalba Torres Guerrero, Yumi Hasegawa

Production les ballets C de la B

Coproduction Théâtre National de Chaillot, Grand Théâtre de Luxembourg, Guimarães 2012 Cultural Capital, TorinoDanza

Avec l’appui de la ville de Gand, de la Province de la Flandre-Orientale, des Autorités Flamandes

Du 4 au 7 avril 2012 à 20h30

Durée 1h15

Théâtre national de Chaillot

1 place du Trocadéro 75116 Paris

Renseignement: 01 53 65 30 00

Métro Trocadéro

http://theatre-chaillot.fr

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