Critiques // Critique. “Les Enfants terribles” Opéra de Philip Glass d’après le roman de Jean Cocteau. Mise en scène Stéphane Vérité

Critique. “Les Enfants terribles” Opéra de Philip Glass d’après le roman de Jean Cocteau. Mise en scène Stéphane Vérité

Nov 27, 2012 | Aucun commentaire sur Critique. “Les Enfants terribles” Opéra de Philip Glass d’après le roman de Jean Cocteau. Mise en scène Stéphane Vérité

Critique de Suzanne Teïbi

©DR

Quelle partition !

Surprenante et rythmée par un thème-leitmotiv, elle crée des reliefs et une dynamique qui happe le spectateur. Les trois pianistes mènent le temps du spectacle avec brio. Malheureusement, le livret n’est pas aussi novateur que la musique, et les chanteurs, aux voix pourtant claires et très justes, peinent parfois à s’inscrire dans un rythme ardu et troublant. Si la musique de cet opéra est formidable, le chant est plus hasardeux, dans son écriture même.

L’histoire, quant à elle, a bien mal vieilli. Comme l’espace en huis clos qu’elle raconte, elle agit en huis clos, ne s’ouvrant pas aux spectateurs, malgré le personnage de Gérard, au double rôle de témoin et de narrateur. Face public, il raconte des épisodes et permet aux chanteurs de faire des sauts dans le temps au sein d’une histoire à multiples rebondissements. Dans une chambre, Paul et Elisabeth, frère et sœur à la relation ambiguë et dangereuse, “jouent le jeu”, un jeu qui tisse leur relation et auquel on n’assistera pas.  Bientôt, leur mère malade meurt. La chambre devient leur ultime refuge et le réceptacle de leurs tourments, projections, envies.  Le monde extérieur nous parviendra par la venue dans leur chambre de Gérard, l’ami de Paul et narrateur, et d’Agathe, collègue et amie d’Elisabeth, dont Paul tombe amoureux. Maïs si Elisabeth décide de sortir et d’aller travailler, Paul reste enfermé, toujours souffrant et malheureux. Leurs vies évoluent asymétriquement, Elisabeth trouvant de multiples moyens sadiques pour garder Paul exclusivement pour elle, Paul se laissant faire. L’histoire finira mal.

Cocteau a écrit Les enfants terribles en 90 jours. En pleine convalescence, il reçoit chez lui la visite de son ami Christian Bérard, qui réinvente pour lui une relation existante: celle d’un frère et d’une sœur. Cocteau transformera cette histoire en un roman dont le narrateur Christian Bérard, devient le personnage de Gérard. L’histoire est transportée par cette dynamique d’écriture, véritable saga écrite en 3 mois.

Mais comment cette histoire peut-elle nous parvenir ?

Ni par son contenu – daté et tellement loin de nous – ni par une réelle proposition artistique. Le choix d’un décor numérique, qui n’apporte rien, est basé sur la création d’un espace unique, la chambre, mais mouvant: il accueille les ombres, les photos neuves puis jaunies, les différentes lumière du jour. La projection d’images au théâtre est à la mode depuis plusieurs années. Pour être légitime, encore faut-il qu’elle soit bien faite. Ce décor pourrait fonctionner si les projections portaient un véritable enjeu artistique. Elles sont hélas très mal conçues, tantôt illustratives, tantôt simplement superflues, toujours d’une qualité plastique déplorable. De son côté, l’histoire ennuie, et frustre. Dans les faits, la relation d’Elisabeth et Paul est vraiment sadique, et la fin sera funeste.

Mais tout ce qui est dit au plateau est sage, rien ne va vraiment loin. L’impression de cet entre-deux est probablement due au livret, qui ne restitue pas la violence d’une relation destructrice. Heureusement que la musique est là, qui nous fait tenir bon. Mais si la musique est centrale, à l’opéra, elle devrait néanmoins pouvoir s’appuyer sur une création scénique solide.

Les Enfants terribles
Opéra de Philip Glass
D’après le roman de Jean Cocteau
Direction musicale: Emmanuel Olivier
Mise en scène: Stéphane Vérité
Adaptation: Philip Glass et Susan Marshall
Scénographie et lumière: Stéphane Vérité
Costumes: Hervé Poeydomenge
Conception des images numériques: Romain Sosso et Stéphane Vérité
Production des images: Romain Sosso
Avec: Guillaume Andrieux, Chloé Briot, Amaya Dominguez, Olivier Dumait
et les pianistes: Anne-Céline Barrère, Nicolaï Maslenko, Emmanuel Olivier

Jusqu’au 2 décembre 2012 – vendredi 23, samedi 24, mercredi 28, vendredi 30 novembre, samedi 1er décembre à 20h – mardi 27 novembre à 19h – dimanche 2 décembre à 16h

Athénée Theâtre Louis Jouvet
7 rue Boudreau 75009 Paris
Métro Opéra
Réservation : 01 53 05 19 00
www.athenee-theatre.com

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