Critiques // Critique. « Le naufragé » de Thomas Bernhard au théâtre de la Bastille

Critique. « Le naufragé » de Thomas Bernhard au théâtre de la Bastille

Nov 16, 2012 | Aucun commentaire sur Critique. « Le naufragé » de Thomas Bernhard au théâtre de la Bastille

ƒƒƒ critique Dashiell Donello

© Mario del Curto

Les variations Bernhard

Dans les cours d’Horowitz[1] trois élèves se rencontrent au Mozarteum de Salzbourg. Très vite un génial interprète au piano surpasse tous les autres. C’est Glenn Gould[2]. Les deux amis voient vite leur virtuosité étouffée dans l’œuf pianistique d’une gloire à jamais perdue. L’un se fera philosophe et l’autre jouera « La balade des pendus » devant la maison de sa sœur.  Voilà en quelques mots la trame de la pièce adaptée du roman le Naufragé de Thomas Bernhard[3].

Quand Armel Veilhan (le narrateur) arrive sur le côté d’un quadrilatère marqué au gaffeur blanc, on se dit : Tiens ! Celui-là, il était temps qu’il entre. Pour peu, il manquait le début de la pièce. Il marche en mesure. Un pas, une note. Le narrateur joue  l’aria d’une variation par le verbe acéré de Thomas Bernhard. Le voilà diseur des rythmes et des silences. Les noires sont le souffle. Les blanches la présence. Puis on se souvient comment les notes surgissent des variations Goldberg interprétées jadis par Glenn Gould. Rien ne commence, rien n’est achevé comme le voulait Jean-Sébastien Bach[4]. Revenir au point de départ, mais aussi partir indéfiniment. Des variations sans piano pour acteur. La mutation d’un début, la forme infinie. Redire, recommencer. Semblablement au chef-d’œuvre de la musique, le comédien va suivre et interpréter brillamment l’adaptation de Joël Jouanneau qui est une variation Bernhard d’une grande virtuosité. Armel Veilhan qui comme le narrateur a arrêté le piano, il y a quelques années, pour devenir un talentueux comédien, interprète même une partition avec une belle sensibilité :

« Avec Le Naufragé, il était impensable de demander à Armel Veilhan d’interpréter l’une des variations Goldberg, son personnage ayant renoncé au piano du fait d’avoir rencontré Gould. Mais il me semblait toutefois indispensable qu’il se mette au piano. Armel m’a fait découvrir une œuvre du compositeur japonais Tõru Takemitsu qu’il interprète sur scène », nous dit Joël Jouanneau dans l’entretien avec Elsa Kedadouche.

Lorsque l’on quitte le théâtre, Glenn Gould apparaît sur la scène comme un dernier adieu. Magnifique hommage au talent, mais aussi à ceux qui sont arrêtés en pleine gloire faute d’être les premiers.

Le Naufragé
De Thomas Bernhard
Traduction de Bernard Kreiss, chez Gallimard
Adaptation et mise en scène de Joël Jouanneau
Avec Armel Veilhan
Lumière : Thomas Cottereau
Du 14 novembre au 16 décembre à 19h30 du mardi au samedi, 16h le dimanche. Relâche les 19, 25, 26, 27 novembre et les 3, 4, 9, 10 décembre
Théâtre de la Bastille
76, rue de la Roquette 75011 Paris
Tel : 01 43 57 42 14
Métro : Bastille
www.theatre-bastille.com


[1] Vladimir Horowitz (1903-1989) Pianiste

[2] Glenn Gould (1932-1982) Pianiste

[3] Thomas Bernhard (1931-1989) Dramaturge

[4] Bach Jean Sébastien Compositeur (1685-1750)

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