Critique Dashiell Donello

©DR

L’utopie d’un rêve trop simulé devient un cauchemar mensonger

L’utopie n’est d’aucun lieu. L’imagination, sa sœur, est une contrée qui est pleine de choses possibles dans la ville du rêve. Si on ne tient pas compte de la réalité, on doit se poser la question : qui est-elle ? Est-ce un soi-disant rêve d’images vidéo, papier peint d’une boite de théâtre dépeuplé de sens ? Un lointain avec les mêmes cases d’une scénographie « académies des neufs » qui se trimbalent de théâtre en théâtre, et ne montrent que l’inutilité plate d’un système simulé et truqueur ? Ou bien est-ce être à la mode de montrer que l’on est à la page, et de croire que l’on a une « intelligence » au-dessus du spectateur ? Est-ce cela la recherche de l’humain ?

Une transgression qui s’interdirait la réalité ne pourrait être rêvée, pour la simple raison que rien n’est interdit dans ce qui se touche du doigt. La fiction ne peut transgresser l’indicible parce qu’elle n’est que concept. Une pensée  ne déplace rien, c’est du vent si l’on ne donne pas l’idée de sa vitesse. Aucune image subjective ne peut déplacer la vision publique, si elle n’est pas partagée. Quand on est touché par un texte, comment peut-on le donner aux spectateurs s’il n’y a pas le désir de la désappropriation égoïste ? Il ne peut y avoir d’espace magique, sans un objectif de rendez-vous avec le public.

Cité du rêve d’après L ‘autre côté, (1909) le seul roman qu’ait écrit Alfred Kubin (1877-1959), raconte le voyage entrepris par le personnage principal, un dessinateur, vers « l’Empire du rêve », un pays créé aux frontière de l’Asie par le milliardaire Claus Patera. C’est une fantaisie centrée sur l’utopie de vivre sa spiritualité dans une ville « Perle »  hors du monde réel. Après la mort de sa femme, il voit ce lieu fantastique se métamorphoser, jusqu’à l’effondrement de cet « Empire » mué en cauchemar.

Autant l’antagonisme est l’action qui rythme le récit de Kubin, autant la mise en scène de Krystian Lupa est un long verbiage qui se mesure par sa prétention, son ennui et sa lenteur. Ce qu’il y a de fantastique dans le texte est banal sur le plateau, sauf dans la succulente dernière demi-heure où « Fellini » vient mettre en scène de la manière la plus simple, la plus belle et la plus sincère qui soit,  l’hallucination délirante de Kubin. Là, on retrouve le vrai Krystian Lupa. Que lui est-il arrivé ? Le syndrome de l’inspiration ?

Ignorer une moitié de salle qui part, c’est oublier pourquoi on fait du théâtre. Nous sommes tristes de ce constat et cela ne nous fait pas plaisir. Nous voulons au contraire que les salles soient pleines de bravos et de vivats. Que le théâtre nous bouge et change quelque chose en nous.

A l’heure où l’on ferme des théâtres de manière brutale, il ne faudrait pas que le public se raréfie parce qu’un metteur en scène fantasme son art en oubliant  de le partager.

La Cité du rêve
D’après L’Autre Côté d’Alfred Kubin
Adaptation, mise en scène, décors, lumière, Krystian Lupa
Costume, Piotr Skiba
Dramaturgie, Iga Ganczarczyk
Compositeur, Mieczyslaw Mejza
Avec Sandra Korzeniak, Agnieszka Roszkowska, Magdalena Kuta, Malgorzata Mas´lanka, Maria Maj, Monika Niemczyk, Piotr Skiba, Andrzej Szeremeta, Tomasz Tyndyk,  Lech Lotocki, Jan Dravnel, Wladyslaw Kowalski, Jakub Gierszal, Henryk Niebudek

5, 8 et 9 octobre 19h30,
Version courte : 4 heures entracte compris
6 et 7 octobre 15h
Version longue : 6 heures entracte compris
18€ et 30€, Abonnement 18€
Spectacle en polonais surtitré en français
Théâtre de la Ville
Adresse : 2, place du Châtelet – 75004 Paris
Métro : Chatelet RER : Chatelet Les Halles
Réservation : par téléphone du lundi au samedi de 11h à 19h – sur place du mardi au samedi de 11h à 20h – lundi de 11h à 19h
01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com

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