Critique de Solveig Deschamps

Intelligence un peu déjantée servie sur un plateau.

Ils sont drôles, jubilent à jouer, à se jouer des mots, de nous et d’eux-mêmes. Pierre Meunier (rappelez vous au théâtre de la Bastille : Éloge du poil, Sexamor, Au milieu du désordre) a bien fait de les embarquer dans cette fabrication collective. Parole déliée de ces quatre hommes sur le plateau. Cerveaux en ébullition, cerveaux un peu foutraques mais parfaitement en ordre de marche, bénéficiant sans aucun doute de la maturité, celle qui nous permet d’avoir un peu plus de distance. C’est bien d’avoir dépassé la cinquantaine (pas vous Pierre-Yves Chapalain, petit jeune de la bande qui nous avait réjoui avec Absinthe dans ce même théâtre).

Tontons Flingueurs.

C’est Pierre Meunier qui ouvre cette joute jouissive arrivant de la salle et nous faisant goûter à son silence. Plateau envahi par des chambres à air de toutes tailles (des énormes, des petites, des encombrantes)  comme autant de mots et de formes de langage à mettre en voix, langue poétique, langue de bois, langue chantée, langue fleurie, politique… langue muette celle de Frédéric Kunze qui va sans cesse les déplacer comme pour redonner vie à tous ces mots qui nous encombrent parce qu’ils sont devenus pauvres, tout lisses.

Les trois autres vont se jeter dans ce fatras caoutchoutesque, se laisser engloutir, se cacher, se déséquilibrer, en faire des montagnes et redonner du sens au discours. Et c’est physique ! On ne peut pas triturer à ce point la pensée sans mouiller sa chemise. François Chattot s’en donne à cœur joie comme un sale gamin surdoué.

Il y a aussi cette lumière de Bruno Goubert qui court et rattrape ce qui semble n’avoir ni queue ni tête et cette création sonore d’Alain Mahé qui nous remplit fortement la tête pour nous anesthésier et ces voix d’enfants au propos insolents qui nous remettent à notre place même si on ne sait plus exactement où elle est.

On sort du théâtre avec la banane, la pêche, il y a de la pomme dans cette fabrique de théâtre. Ivresse et intelligence des mots.

« Ce que j’espère toujours, c’est que la musicalité de l’ensemble soit assez inspirante pour aider le spectateur à accepter de ne pas toujours comprendre dans l’instant ce qui se vit sur le plateau, mais d’accueillir au fil du spectacle une somme de sensations, qui, à un moment donné feront sens pour lui. » Pierre Meunier

« Du fond des gorges »

Pierre Meunier

De et avec Pierre Meunier, Pierre-Yves Chapalain, François Chattot et Frédéric Kunze
Assistante dramaturgie : Emma Morin
Son : Alain Mahé
Lumière : Bruno Goubert
Collaboration artistique : Marguerite Bordat
Régie générale : Jean-Marc Sabat
Régie plateau : Frédéric Kunze
Régie son : Géraldine Foucault
Construction : Jeff Perlicius

Du 29 février au 30 mars 2012

Théâtre Bastille

76 rue de la Roquette Paris 75011

www.theatre-bastille.com/

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