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Critique ・ Narcisse ou l’amant de lui-même, Jean-Jacques Rousseau

Jan 18, 2014 | Aucun commentaire sur Critique ・ Narcisse ou l’amant de lui-même, Jean-Jacques Rousseau

ƒƒƒ Critique Denis Sanglard

Narcisse 1

 ©DR

Bonheur, bonheur, bonheur…Il est des petits moments de bonheur au théâtre qui ne se refuse pas. La découverte heureuse de textes méconnus par exemple. Leurs mises en scène intelligentes sans artifice ni pédanterie ou prétention quelconque. Narcisse où l’amant de lui-même de Jean Jacques Rousseau, notre ermite suisse, est un texte à plus d’un titre surprenant. Une pièce en un acte, marivaudienne en diable, drôle et d’une étonnante modernité. Ou devrions nous dire d’actualité ? Valère tombe amoureux d’un portrait, une inconnue qui n’est autre que lui-même représentée en femme. Ce piège tendue par sa sœur Lucinde avec la complicité inquiète de l’amante de Valère, Angélique, va donner lieu on s’en doute à un chassé croisé amoureux où vont se révéler les caractères et mettre en péril les enjeux amoureux. Lucinde elle-même n’est pas épargnée, amoureuse de Cléonte qui lui fait refuser Léandre qui n’est autre que… Cléonte. Illusions, désillusions, Jean Jacques Rousseau se rit des vanités amoureuses où l’individu s‘égare. Jeux de masques cruels que seule la lucide Angélique dénonce au risque de tout perdre.

Jean-Luc Revol nous régale d’une mise en scène alerte, drôle, inventive. Une légèreté pétillante mêlée de gravité. C’est d’une intelligence et d’une grande subtilité. Parce que Jean-Luc Revol sait aussi gratter là où cela fait mal. Au-delà du plaisant marivaudage, Jean-Jacques Rousseau, avec beaucoup d’humour certes, pose la question de l’identité et – déjà – du genre. La quête et la perte de soi. La mise en scène n’esquive en rien ces questions mais ne tombe jamais dans la caricature. Toujours juste jusque dans les ambiguïtés qu‘elle respecte et met en valeur. Car cette pièce malicieuse joue de l’ambiguïté de chacun que Jean-Luc Revol souligne d’un trait incisif et léger mais juste et net.

Surtout, il bénéficie de comédiens complices, tous au demeurant excellents,  qui se jettent sur le plateau avec un bonheur évident et communicatif. Le jeu quelque peu accentué,  appuyé, donne un ton aimable de comédie légère et délicieuse qui n’est qu’un leurre. Et puis il y a ce miracle d’entendre cette langue du dix-huitième siècle qui roule sans effort. Miracle de ne pas l’entendre ânonnée, amidonnée, mais vivante, souple, dans toute sa beauté et complexité. Car c’est un festival que cette parole qui jaillit, fuse et rebondit. Cette langue participe des enjeux de la pièce, ce ne sont que joutes verbales qui véhiculent les désirs et les aspirations de chacun. Manipuler la langue comme Angélique c’est jouer des ambiguïté de celle-ci qui troubleront nos jeunes gens et révèleront leurs propres contradictions.

 

Narcisse ou l’amant de lui-même
De Jean-Jacques Rousseau
Mise en scène Jean-Luc revol
Avec Richard Bartolini, Olivier Broda, Marie-Jumie De Coligny, Louise Jolly, Cédric Joulie, Anne-Laure-Pons, Valérie thoumire
Assistante à la mise en scène  Valérie Thoumire
Scénographie Sophie Jacob
Costumes  Eymeric François
Création Lumière  Bertrand Couderc
Chorégraphie  Armelle Ferron

Jusqu’ au 2 mars 2014
Du mercredi au samedi à 19h30 – Dimanche à 15h

Vingtième Théâtre
7, rue des Plâtrières 75020 Paris
Métro : Ménilmontant
Réservations  01 43 66 01 13
www.vingtiemetheatre.com

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