Critiques // Critique ・ « Mon traître »  de Sorj Chalandon aux Bouffes du Nord

Critique ・ « Mon traître »  de Sorj Chalandon aux Bouffes du Nord

Déc 05, 2013 | Aucun commentaire sur Critique ・ « Mon traître »  de Sorj Chalandon aux Bouffes du Nord

ƒƒ  Critique Djalila Dechache

 © Mario Del Curto

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Le texte de Sorj Chalendon a été écrit en 2008. En 1988, il a reçu le prix Albert-Londres pour ses reportages sur l’Irlande du Nord et le procès Klaus Barbie. « Mon traître » forme un diptyque avec « De beaux lendemains » présenté aux Bouffes du Nord en juin 2011.

Emmanuel Meirieu, metteur en scène et adaptateur, poursuit son exploration de récits où le silence tient une large place. Dès que l’on entre dans la salle du théâtre, on aperçoit un corps d’homme, échoué sur un rivage,  un corps sans visage, épuisé par une quêteinfinie auprès des forces qui nous gouvernent. C’est une sculpture, massive, épousant les sinuosités de la masse que peut être un corps d’homme. Puis, dès le noir tombé, nous arrivent les odeurs qu’envoient une fumée, les sons d’oiseaux, les jeux de lumière et d’ombre, le silence et les grondements dans le lointain. Une voix d’enfant raconte une histoire, il était une fois …, un château, une princesse, enfants transformés en corbeaux… Un homme apparaît, Antoine, portant un violon, il revient ou il part, on ne sait, ce n’est pas important, il vient dire quelque chose, quelque chose qui s’est passé, quelque chose de fini, de cassé en lui. Il raconte, accompagné de quelques notes égrenées au piano, accompagné de son émotion à bras le corps. Une poétique nostalgie s’installe. Avec un léger accent du nord, il pourrait sortir d’un film de Kaurismaki.

Nous sommes au cimetière municipal de Belfast en 2007. Devant lui, à terre, la dépouille de son ami irlandais. Antoine c’est l’ami, l’ami français qui se souvient de l’activiste de l’Ira, Tyrone Meehan devenu traître, agissant même pendant des années contre sa communauté.

« Il est juste et normal et bon que des hommes se battent pour cette terre (…), qu’est ce qui se brise en nous, c’est quoi trahir ? ». 

Au fil du récit, sa voix se voile, sa voix se brise, sa voix se contient malgré tout « dis-moi que tu n’es pas un traître, dis-le moi Tyrone » !

Puis arrive un jeune homme grand et fort, un peu pataud, au visage verdâtre : il parle comme parlerait un revenant. Il sort de prison. Lorsqu’il se met à chanter « Jésus help me, I am alone, wake up that man ».Il revient à la vie, il a une puissance vocale immense, son corps change, il s’adresse à son père, gisant dans ce cimetière. Il représente  la puissance de la jeunesse. En troisième lieu, c’est Tyrone Meehan lui-même qui apparaît dans la pénombre, une grande et longue cape lui couvre les épaules comme des ailes au repos. C’est un homme âgé, la voix est calme, il se remémore sa vie dans un cachot de 3 mètres sur 2, ce qu’il faut supporter pour ne pas mourir, rester vivant avec une pensée… Lorsqu’il se défait de sa cape et laisse voir une aile de corbeau géant, on commence à se sentir mal, oppressé, angoissé, suffocant, on pense irrémédiablement à Baudelaire qui l’a parfaitement traduit :

« (…) Quand la terre est changée en un cachot humide, Où l’Espérance comme une chauve-souris, S’en va battant les murs de son aile timide, Et se cognant la tête à des plafonds pourris ».

Mon traître 
Mise en scène Emmanuel Meirieu
Adaptation Emmanuel Meirieu et Loïc Varraut
Musique Raphaël Chambouvet
Collaboration artistique Loïc Varraut
Costumes Moïra Douguet
Maquillage Barbara Schneider
Décors et Lumières Seymour Laval
Son Sophie Berger
Vidéo Seymour Laval et Johan Lescure
Peinture décor Christelle Crouzet et Fanny Gautreau.
Avec
Jean-Marc Avocat, Stéphane Balmino et Jérôme Derre.
Jusqu’au 21 décembre 2013
À 21h, matinée le samedi 16h
Durée 1h10
Théâtre des Bouffes du Nord
37 bis, bd de La Chapelle, 75010 Paris.
Métro : La Chapelle
Réservations : 01 46 07 34 50
www.bouffesdunord.com

 

 

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