ƒ Critique Dashiell Donello

Le dilemme d’un monologue intérieur

© DR

Mademoiselle Else, en vacances dans une station thermale des Alpes italiennes, reçoit une lettre de sa mère ; où elle apprend que son père a de graves problèmes financiers. La mère d’Else demande à sa fille de solliciter Von Dorsday, ami de la famille,  afin qu’il paye la dette (trente mille Gulden) pour éviter, au père d’Else, les outrages de la prison. Else, fait donc sa demande à Dorsday qui accepte à une condition : qu’elle pose nue devant lui durant un quart d’heure. S’ensuit une plongée irréversible au cœur de la conscience d’Else. Partagée entre l’amour qu’elle doit à son père et son désir de s’émanciper, Else ne peut choisir entre la prison pour son père ou la prostitution pour elle. Un autre choix l’obsède ; le suicide considéré comme une décision possible chez la jeune fille.

Arthur Schnitzler (1862-1931) après son doctorat médecine, travaille à l’hôpital général de Vienne. À l’âge de trente et un ans, il se tourne vers l’écriture et abandonne peu à peu la médecine. Mademoiselle Else, éditée en 1924,est l’un des joyaux littéraires d’Arthur Schnitzler. Son œuvre, en parallèle avec son ami Freud (1856-1939), est curieuse des progrès de la psychanalyse concernant les pathologies de l’hystérie et la névrose. À travers un monologue intérieur, Schnitzler nous plonge dans les pensées de Mademoiselle Else. On y voit une jeune fille d’une beauté sensuelle, capricieuse, narcissique, qui découvre sa sexualité et sa pulsion de mort à travers la perversité des hommes de la société bourgeoise du 20ème siècle.

Le sympathique Franck Vercruyssen, membre de tg STAN, revient au Théâtre de la Bastille avec Mademoiselle Else, un texte non écrit pour la scène. Comme à leur habitude, les protagonistes de l’histoire sont sur le plateau dès l’entrée du public. Comme toujours une régie avec des accessoires : plusieurs foulards, vestes et habits qui attendent le jeu des comédiens pour faire vivre d’autres personnages cités dans le texte, tous joués par Franck Vercruyssen. Tout cela est bien connu de la troupe et il n’y aurait rien à redire, si ce n’est que cela s’épuise vite pour cette Mademoiselle Else (Alma Palacios) bien trop lisse ; sur qui glisse les nuances de la complexité d’un tel rôle. Ce qui fait qu’on a l’impression d’un tour, dont on connait déjà le truc. Cela ne nous épate plus. On veut nous distancier de la comédienne pour mieux entendre Else, mais on ne voit que ce qui nous éloigne d’elle. Les allers et venues du régisseur-comédien finissent mêmes par nous lasser un tantinet. Cette convention trop systématique perd peu à peu de son attrait. Même si tout cela est prévu, ça ne prend pas. D’une nouveauté trop exploitée, il ne reste qu’une nouvelle convention, nous dirait Peter Brook. Alors ? Est-ce le jeu, et la forme proposée qui ne se mélange pas ? En tous cas cela n’aide pas à  entrer dans ce grand texte de la littérature du 20ème siècle. Pourtant quand Else se met nue, vers le milieu du spectacle, elle semble prendre chair dans tous les sens du mot. Else fait irruption de son dilemme intérieur désinhibée, comme si ses vêtements avaient été une entrave à son apparition. Son corps dans l’essor impudique nous révèle sa tragédie, et son écho indécis résonne enfin, comme libéré. Mieux vaut tard que jamais, dirait l’autre. Alors on espère pour les représentations suivantes, que le public verra Mademoiselle Else de bout en bout habillée ou non.

TG StAN /3 pièces

Mademoiselle Else
D’Arthur Schnitzler
Avec Alma Palacios et Frank Vercruyssen

Jusqu’au 8 février 2014
Les 25, 26, 27, 31 octobre et 1^er et 2 novembre à 19h30 – Dimanche 27 octobre à 15h – Relâche les 28, 29 et 30 octobre
Du 28 janvier au 8 février 2014 à 19h30 – Relâche le 2 et 3 février

Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette 75011 Paris
Métro : Bastille, Voltaire ou Bréguet Sabin
Réservation : 01 43 57 42 14

www.theatre-bastille.com

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