ƒ critique Suzanne Teïbi

© Elizabeth Carecchio

À la recherche de Barbara

Avec Vers Wanda, Marie Rémond mène une vaste recherche autour de Barbara Loden, dont elle restitue l’essence aux spectateurs. Elle convoque sur le plateau la comédienne et réalisatrice Barbara Loden, Wanda (héroïne de son film) et des personnages qui commentent le film (d’après de vrais extrais d’émission de radio).

Les trois comédiens alternent entre adresse au public, commentaires de l’œuvre de Barbara Loden, scènes du film qu’ils rejouent, et scènes fictives entre Elia Kazan et Barbara Loden, passant de l’un à l’autre en un enchevêtrement savoureux. L’équipe ancre cette recherche dans la vie artistique et amoureuse de Barbara, comédienne, mariée à Elia Kazan et vivant dans son ombre.

En parallèle, le spectateur suit Wanda, et la contextualise dans la vie de Barbara. La comédienne devait jouer le rôle de Gwen dans L’arrangement, film autobiographique d’Elia Kazan, mais celui-ci aurait capitulé devant les producteurs qui lui préféraient Faye Dunaway. Trahie et blessée, Barbara imagine Wanda, dont elle interprétera le rôle éponyme, et qui sera son seul film en tant que réalisatrice.Cet enchâssement est encore plus complexe, car il est le point de rencontre de davantage de femmes encore : Barbara Loden, Wanda, mais aussi Alma Malone – la femme qui a inspiré à Barbara Loden le rôle de Wanda – mais aussi Nathalie Léger, qui s’est intéressée au rapport triangulaire Barbara/Wanda/Alma avant Marie Rémond.[1]

Cet univers très féminin est contrebalancé par la présence des deux comédiens, qui jouent les rôles d’Elia Kazan, Kirk Douglas, le Monsieur Denis du film Wanda et le technicien avec beaucoup de distance et d’humour. Si tous les personnages, féminins comme masculins, sont assez stéréotypés, les adresses directes au public semblent avoir pour fonction d’instaurer un trouble entre fiction et réalité, narration de l’histoire de Wanda et recherche autour de Barbara.

La démarche, touchante et séduisante, est bien menée. Les comédiens sont très justes, et plein d’humour – Clément Bresson en un Kirk Douglas autocentré, Sébastien Pouderoux en un Elia Kazan mégalomane apportent une critique acerbe sur le culte de la personne et le star system – mais passé ce moment agréable, il reste surtout de ce projet l’envie de voir le film Wanda. Car ce procédé d’histoire dans l’histoire, ce mode de narration, bien qu’agréables, sont attendus et dans l’air du temps.

Au-delà de la recherche de Nathalie Léger, on peut regretter de ne pas avoir assez entrevu la singularité de la recherche de Marie Rémond.

Vers Wanda
Un projet de Marie Rémond
Création collective et jeu : Clément Bresson, Sébastien Pouderoux, Marie Rémond
Lumière : Marie-Christine Soma
Scénographie, costumes : Marie La Rocca
Sculpture : Sabine Calderoli, Alexandre Obermoser

Jusqu’au 26 octobre 2013
Du mercredi au samedi à21h – Mardi 19h – Dimanche 16h

La Colline – Théâtre national
15, rue Malte-Brun – 75020 Paris
Métro Gambetta
Réservations : 01 44 62 52 52
www.colline.fr

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