ƒƒ critique Denis Sanglard
© Christophe Raynaud de Lage
Comment s’affranchir de sa honte et grandir.Un enfant, le fils, est confronté à la folie de son père, enfermé au dernier étage de sa maison. La mère ne veut plus sortir pour ne plus avoir à soutenir le regard des autres. Le fils, honteux de ce secret qu’on ne nomme pas, se réfugie dans son jardin imaginaire où « Celle qui reste » et « le fils de la baleine » lui font découvrir sa capacité à s’évader du monde, à dépasser sa honte et sa douleur. Mais confronté au monde réel, aux regards et quolibets des autres enfants, « l’un » et « l’autre », il faut aussi apprendre à affronter la réalité, accepter et dépasser sa honte. Nommer les choses. Grandir…
C’est un très beau conte initiatique. Histoire d’une résilience. Olivier Letellier, metteur en scène, a commandé cette histoire à l’auteur Stéphane Jaubertie. Ce n’est pas une jolie histoire. C’est bien plus que cela. Il y a quelque chose de profondément juste qui touche, fait mouche. Entre récit et dialogue, l’écriture est superbe qui sert cette histoire avec simplicité, sans effet de joliesse, sans culculterie qui affecte souvent les récits pour enfants.
Le thème abordé y est frontal. La honte, ce sentiment violent qui amène à faire des choix. Affronter ou se cacher de la situation qui engendre la honte. C’est tout simplement grandir, se construire. Mais pour ce faire il faut d’abord apprendre à nommer les choses, « mettre un mot sur les émotions ». Pour ne pas comme « Celle qui reste » devenir transparent, s’effacer. Comme s’efface la mère derrière la fumée de ses cigarettes. Comme le père enfermé au dernier étage. Il faut cela pour libérer ce chien dans la tête qui peut faire de vous un être féroce et dévorant.
La mise en scène d’Olivier Letellier bénéficie de cette complicité avec l’auteur. C’est d’une très belle fluidité. C’est un spectacle non pour enfants mais pour adultes en devenir. Trois comédiens-manipulateurs de marionnettes, un canapé, et c’est un monde où le quotidien bascule dans l’étrangeté de l’enfance, le merveilleux inquiétant. Peu de moyen pourtant, de très beaux éclairages découpant l‘espace et offrant à chaque univers (la maison, la rue, le jardin secret) sa tonalité, des comédiens justes et qui semblent avoir préservé leur part d’enfance. C’est une mise en scène intelligente et d’une poésie sans affèterie où le quotidien semble chargé de mystère et de férocité. Olivier Letellier et Stéphane Jaubertie n’édulcorent rien et semblent ne pas avoir perdu leur regard d’enfant et c’est-ce regard là qui fait la réussite de cette très belle création. *
*signalons cette très belle initiative : le spectacle est traduit en direct en langage des signes…
Un chien dans la tête
Théâtre de récit et de marionnettes
Texte: Stéphane Jaubertie
Mise en scène: Olivier Letellier
Avec: Camille Blouet, Alexandre Ethève, Jérôme Fauvel
Dramaturgie: Caroline Girard
Conseil en marionnettes: Simon Delattre
Fabrication: Collectif Mazette
Scénographie: Antoine Vasseur
Création lumières, régie de production: Sébastien Revel
Création sonore: Mickael Plunian
Costumes: Nathalie MartellaTout public à partir de 9 ans
Jusqu’ au 12 Mars 2014
10h les 4, 6 et 11
14h30 les 4, 5, 6, 7, 11, 12
15h30 le 8
20h30 le 7Théâtre national de Chaillot
1 place du Trocadéro
75116 Paris
Métro Trocadéro
Réservations 01 53 65 30 00
www.theatre-chaillot.fr