Critiques // Critique • «Toboggan» texte et mise en scène Gildas Milin au TGP

Critique • «Toboggan» texte et mise en scène Gildas Milin au TGP

Nov 16, 2013 | Aucun commentaire sur Critique • «Toboggan» texte et mise en scène Gildas Milin au TGP

ƒ critique  Suzanne Teïbi

Toboggan-@-Franck-Beloncle

© Franck Beloncle

Phénomène de société

Au Japon, le taux de criminalité des personnes âgées a considérablement augmenté ces vingt dernières années. Des études montrent que ce phénomène serait révélateur d’un désintérêt des sociétés dites développées pour leurs « vieux ». Désintérêt tant financier qu’affectif. Gildas Milin s’empare de cette question comme point de départ de Toboggan.

Dans un futur proche, en Europe, les seniors, qui n’ont plus aucune perspective de vie, commettent délits et actes violents pour bénéficier de la peine attendue : aller en prison. Ils rêvent que là, ils auront l’écoute, l’échange, mais aussi les soins et traitements dont ils ont besoin. Et trois repas chauds par jour. Louve, Moto, Loup, Butor étoilé et Naojima ont rassemblé leur force physique et leurs intérêts et ils ont un plan : tuer un jeune. Ce meurtre sera pour eux leur ticket d’entrée pour la prison.  

La pièce s’ouvre sur la victime agonisante et son attaque par ce gang. Mais les vieux peinent à achever le jeune, qui résiste tant bien que mal. Ils décident finalement que s’ils le laissent vivre, le jeune homme pourra alors identifier ses agresseurs, et que la case prison leur sera plus facile à atteindre. Le jeune ne portant pas plainte contre eux, il leur faut alors commettre un autre délit : braquer une banque. L’opposition jeunes/vieux est sans cesse rappelée au spectateur avec la présence de « la jeune fille », figure par excellence de cette jeunesse rendue responsable. C’est Loup qui la rencontre, la prend en affection, et convainc les autres de l’intégrer à leur gang, sa condition physique pouvant les aider à trouver à manger. Cette fable est entrecoupée par les interventions d’un inspecteur. Dans une adresse au public, il explique les enjeux sociologiques de son enquête. Il finira par interroger les vieux, dans une scène où il entre de manière effective en interaction avec eux.

Comment s’en emparer au théâtre ?

Si Toboggan soulève la question du corps vieillissant, Gildas Milin prend le contrepied des attentes et met en scène des corps vifs, dynamiques. Ce gang des seniors est on ne peut plus vivant pendant l’attaque et la torture de la victime. La question de l’abandon des vieux est passionnante, à l’image du point de départ de la fable. Elle n’ouvre cependant pas sur autre chose, la narration faisant sans cesse une boucle sur elle-même, les vieux  n’arrivent pas à s’organiser ou à se mettre d’accord sur la marche à suivre, la jeune fille ressasse son histoire, l’inspecteur explique son étude. Les dialogues des vieux sont très justes et savoureux, mais ils sont embarqués dans un bégaiement de l’histoire qui a tendance à perdre le spectateur.  La présence de deux espaces distincts – face et lointain – délimités par un rideau semi opaque crée des entrées et sorties à vue intéressantes, avec lesquelles les comédiens jouent en permanence, notamment au moment de l’attaque de la victime. Au lointain, le grand rouleau qui se déroule et sur lequel défilent des dessins apporte à la pièce une dimension plastique nécessaire, mais peu exploitée.

Si le mot « toboggan » fait référence à une dynamique et un mouvement unilatéraux – impossible de remonter la pente sur laquelle on vient de glisser – ce gang de vieux est effectivement perdu. Reste la possibilité de construire ensemble, toutes générations confondues, une histoire commune.

 

Toboggan
Texte et mise en scène : Gildas Milin
Scénographie : Gildas Milin, Françoise Lebeau
Graphisme et dessins : David Poullard et Elvire Caillon
Lumière : Gildas Milin, Eric Da Graça Neves
Création sonore : Manuel Pajand
Costumes : Elisabeth Kinderstuth
Assistant à la mise en scène : Jérôme Boivin
Avec : Catherine Ferran, Michèle Goddet, Anna Lien, Gaël Baron, Rodolphe Congé, Gildas Milin, Jacques Pieiller, Guillaume Rannou
 
Jusqu’ au 23 novembre 2013
Lundi, mercredi, jeudi, vendredi à 20h – Samedi à 18h30 – Dimanche à 16h30

Théâtre Gérard Philipe – CDN
59, boulevard Jules Guesde – 93200 Saint-Denis
Métro Basilique de Saint-Denis / RER D Saint-Denis
Réservations : 01 48 13 70 00
www.theatregerardphilipe.com

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