Critiques // Critique • « Sirènes » texte et mise en scène de Pauline Bureau au Nouveau Théâtre de Montreuil

Critique • « Sirènes » texte et mise en scène de Pauline Bureau au Nouveau Théâtre de Montreuil

Mar 09, 2014 | Aucun commentaire sur Critique • « Sirènes » texte et mise en scène de Pauline Bureau au Nouveau Théâtre de Montreuil

ƒƒ  critique  Suzanne Teïbi

Sirènes scéno 2(c)Pierre_Grosbois© Pierre Grosbois

Histoires de femmes

Aurore, la vingtaine, est chanteuse. En plein concert, un jour, elle perd sa voix. Cet épisode est un arbre qui cache la forêt familiale. Sirènes retrace l’arbre généalogique d’Aurore, pour nous livrer des épisodes de la vie de trois femmes : Aurore, sa mère Hélène, et sa grand-mère maternelle Annie. Les vies de ces trois femmes sont intimement liées. Pauline Bureau les fait dialoguer en créant sur le plateau des espaces qui se répondent.

1966, c’est l’année où le père d’Hélène est parti. 1983, c’est la naissance d’Aurore. 2013, c’est l’année de la mort d’Annie, de la dépression d’Hélène, et de la voix d’Aurore qui ne veut plus revenir. 

Sur le plateau, la scénographie est efficace et épurée. Chaque période a ses lieux phares, et investit des endroits différents du plateau.

1966. C’est la cuisine d’Annie adulte et d’Hélène enfant. L’endroit où sonne le téléphone, celui qui annonce les mauvaises nouvelles – le père, capitaine au long cours, annonce à sa fille qu’il ne reviendra pas. C’est la cuisine où Annie et Hélène se reconstruisent à deux, et affrontent leur nouvelle vie.

1983. La soutenance de la thèse d’Hélène, enceinte, puis son appartement, celui dans lequel elle chante sa première berceuse à l’enfant qui pleure.

2013. Le concert d’Aurore. Le lit d’Hélène, celui duquel elle ne veut plus sortir. Le cabinet du psy.

Mais, au-delà de ces quelques lieux, au sein desquels se déploient les tableaux de cette famille – et c’est cela qui donne de l’épaisseur au projet – tout un tas d’autres endroits, scènes, récits parallèles, en étoile, viennent peu à peu éclairer les zones d’ombre du récit.

Et d’hommes

Car 2013, c’est aussi Shangai, ville dans laquelle un jeune expatrié français travaille dans sa chambre d’hôtel. Seul devant son ordinateur, il échange avec le monde via Skype – ou comment les échanges virtuels deviennent plus importants que les vraies rencontres.  Qui est cet homme ? Il viendra répondre à une logique propre à cette saga familiale, il viendra répondre à un secret de famille. Il viendra, à sa manière, aider Aurore à retrouver sa voix. Un autre homme éclaire ce récit de famille : c’est un conteur moderne, qui s’affranchit de l’espace et du temps – il n’appartient ni à 1966, ni à 1983, ni à 2013. Il nous raconte, de manière très frontale et très drôle, le conte atemporel d’Andersen, la Petite Sirène. Ce conte nous accompagnera pendant toute la pièce.  Il y a aussi Thierry, le jeune homme qui travaille dans un magasin d’électroménager. Qui tombe amoureux d’Aurore, et dont Aurore tombe amoureuse. Cette rencontre est un appel d’air dans le spectacle, il amène un peu de légèreté tout en abordant une question on ne peut plus profonde : l’amour peut-il être salvateur ? Aurore et Hélène trouveront-elles un équilibre, qui leur permette d’accepter leur vie telle qu’elle est ?

Sirènes nous donne à partager un moment de leur vie au cours duquel les nœuds familiaux prennent le pas sur le reste. Pour y répondre, Pauline Bureau fait appel à des comédiens très justes, aussi musiciens pour certains d’entre eux, souvent émouvants. Chansons, projections vidéo pertinentes et scénographie sobre et bien élaborée servent un spectacle à la dramaturgie savamment tissée.

Seul bémol : la tentation de la blague un peu facile, à laquelle – serais-je un public si difficile ? – je semble être la seule à ne pas adhérer. Car autour de moi, tout le public a l’air d’apprécier, si j’en crois les rires francs qui m’entourent.

Cette tentation est à l’image du spectacle, qui s’engouffre dans quelque chose de bien huilé – trop bien huilé pour moi par moments.

Je cherche la faille. Car Sirènes est un spectacle très bien fait, une histoire qui tient en haleine. Mais il manque un petit quelque chose pour que ça décolle vraiment et que j’en sorte totalement bouleversée.

Sirènes
Texte et mise en scène : Pauline Bureau
Composition musicale et musique live : Vincent Hulot
Lumière : Jean-Luc Chanonat
Scénographie : Emmanuelle Roy
Costumes : Alice Touvet
Collaboration artistique et vidéo : Gaëlle Hausermann
Avec : Yann Burlot, Nicolas Chupin, Camille Garcia, Vincent Hulot, Régis Laroche, Marie Nicolle, Anne Rotger, Catherine Vinatier

Jusqu’au 22 mars 2014
mardi et jeudi à 19h30 ; lundi, mercredi, vendredi et samedi à 20h30; dimanche à 17h

Nouveau Théâtre de Montreuil
Salle Maria Casarès
63, rue Victor Hugo – 93100 Montreuil
Métro Mairie de Montreuil
Réservations : 01 48 70 48 90
www.nouveau-theatre-montreuil.com

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