Critiques // Critique • « Palais de Glace », de Tarjei Vesaas, mise en scène de Stéphanie Loïk

Critique • « Palais de Glace », de Tarjei Vesaas, mise en scène de Stéphanie Loïk

Avr 02, 2014 | Aucun commentaire sur Critique • « Palais de Glace », de Tarjei Vesaas, mise en scène de Stéphanie Loïk

ƒƒƒ critique de Denis Sanglard

bb34d83c27e29039288016cec4d540c0© Alain Dalmasso

Deux petites filles s’aiment d’un amour fusionnel. Secret partagé, promesse donnée. Elles s’aiment au-delà de la mort même qui frappe l’une d’elle, prisonnière du Palais de Glace, cascade gelée aux chambres multiples dans lesquelles elle se perd et disparait à jamais. L’amour plus fort que la mort et la mémoire pour mausolée qui transcende cet amour. Tarjei Vessas (1897-1970), auteur norvégien, signe une œuvre poignante et lumineuse.

Il est des créations pour lesquelles et dans lesquelles il faut accepter d’entrer sans réserve aucune, accepter de se laisser porter sans rien présumer, rien attendre que la découverte d’un instant rare et singulier. Consentir à l’effort demandé pour ce qui ne se donne guère d’emblée, se refuse même à vous. Stéphanie Loïk épure. C’est une mise en scène sans effet, stylisé, hiératique même, qui vous bouleverse. Elle va à l’essentiel, au texte qu’elle dénude. Ainsi dépouillé de tout fatras scénique, toute la poésie, toute la beauté des images évoquées, même indicibles, de ce texte se déploie, envahit le plateau.

Deux circassiennes, danseuses sur quadrisses, sont entre ciel et terre. Enlacées. En apesanteur. À peine entend on leur souffle. Seul le son des quadrisses résonne, comme crissent des pas sur la neige. Ballet aérien fusionnel, l’image est saisissante. Deux fillettes suspendues au dessus de tout, du monde des adultes, isolées, encordées l’une à l’autre. Lien indéfectible, pour jamais. Elles sont l’évocation de cet amour éclot avant le drame. Évocation prégnante qui, au long du récit entre la tante de la fillette disparue et la survivante, demeure présente. Stéphanie Loïk enchâsse ainsi avec justesse deux univers artistiques qui se complètent. Le récit est ainsi  diffracté. A l’onirisme et la grâce du premier, répond la sécheresse du second, stylisé, comme épuisé de toute substance, corseté par la nature, empesé de neige et de glace. Deux récits, deux mondes irréconciliables, celui de l’enfance et celui des adultes. Avec la nature âpre, rude qui envahit tout. Nature dont le moindre craquement de glace est porteur de signe et de sens submergeant l’écriture. Quand s’écroule au printemps le Palais de Glace, que la rivière de nouveau s’écoule, s’effondre l’enfance et commence le deuil… Cette dimension-là, Stéphanie Loïk ne la néglige pas. Sa mise en scène s‘écoute aussi. Souffle de vent, froissement des quadrisses, craquement de la glace. Autant de signes, autant de voix, qui, ajoutés au dépouillement du plateau, apportent une dimension tout à la fois naturaliste et fantastique. Mais la mise en scène se refuse d’interpréter. Sa réussite tient aussi à cela, de laisser au texte ses mystères et sa poésie. A donner toute la place à cette histoire d’amour qui cristallise les cœurs des deux fillettes et celui des spectateurs.

Palais de Glace
De Tarjei Vesaas
Mise en scène de Stéphanie Loïk
Adaptation de Joël Jouanneau
Assistants Daniela Labbé Cabrera, Igor Oberg
Création musicale Jacques Labarrière
Diffusion sonore Guillaume Callier
Création lumières Gérard Gillot
Création costumes Mina Ly
Avec France Darry, Daniela Labbé Cabrera, Pauline Barboux et Jeanne Ragu, danseuses sur quadrisses

L’Atalante
10 place Charles Dullin
75018 Paris

Du 27 mars au 7 avril 2014
Le samedi à 19h, le dimanche à 17h, lundi et mercredi et vendredi à 20h30, le jeudi à 19h.

Réservations 01 46 06 11 90
www.theatre-latalante.com

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