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Critique • « Nous n’irons pas ce soir au paradis » de Serge Maggiani au Théâtre des Abbesses

Mar 03, 2014 | Aucun commentaire sur Critique • « Nous n’irons pas ce soir au paradis » de Serge Maggiani au Théâtre des Abbesses

ƒƒ critique Djalila Dechache

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Fasciné par la langue de Dante et sur une idée de Valérie Dreville, Serge Maggiani amorce un projet dès 2008 à Avignon.

Que savons-nous de cet auteur, poète et homme politique du XIIIème  siècle florentin ? Entre texte et remarques personnelles, Serge Maggiani, tout en retenu même si ce sont ses pieds et ses mains qui s’expriment, livre l’essence de cette œuvre sublime et méconnue.

Il commence par des fragments de vie de Dante à Florence, dans une Italie agitée, ses papes intrigants, dont Boniface VIII assez inventif dans ce registre, l’invention de La femme en Béatrice, la poésie « je ferais s’enamourer les gens » dit Dante. Son Italie qu’il quittera à jamais suite à son bannissement et son exil forcé, comme le latin qu’il laissera au profit de l’italien.

« Etre en enfer c’est être en enfer du paradis de la littérature ».

C’est ce que se dit Serge Maggiani, puis il évoque le pain de toscane qui n’est pas salé, il s’appelle choc-co ; en Italie on mange du pain comme on mange de l’histoire dit le comédien.

© Fabienne Rappeneau

Serge Maggiani prédit que c’est peut-être le message de toute son œuvre, il tutoie, il désigne le lecteur Dante invente le présent. Dante est dans un état de rêve éveillé, il fait le parallèle avec la démarche de Marcel Proust, c’est osé, il fallait le faire et le cite : « Longtemps je me suis réveillé de bonne heure ». Comme Dante avait la peau sombre, on croyait que l’enfer l’avait brûlé et qu’il en était revenu, comme Dante, Serge Maggiani tutoie le public, le spectateur, créant ainsi un rapport particulier de proximité.

Un autre passage saisissant demeure dans la symbolique du nombre 9, ses variantes et multiples comme la rencontre de Béatrice et Dante se fait lorsqu’elle a 9 ans, elle apparaît au 73e vers du XXXe chant du Purgatoire. Le XXXe chant dont 30 est le nombre parfait, est précédé de 63 chants (6+3=9), suivi de 36 chants …….

C’est très difficile de narrer ce spectacle bilingue qui n’en est pas un, ce texte est inclassable, certainement pas confiné dans les rayons de la poésie comme l’exemplaire que j’ai acheté dans une grande surface dédiée aux livres, le travail de Maggiani entre voyage initiatique de retour aux sources dans son Italie natale réinventée.

Comment se fait-il que personne avant lui n’a évoqué Dante de cette manière aussi juste, forte, indispensable ?

L’important est de sentir et de ressentir ce que fait d’entendre et de voir ce texte, porté par Serge Maggiani qui plutôt sérieux de nature, se laisse tour à tour devenir un enfant italien, un sage, un poète, totalement illuminé par Dante, cet homme infiniment homme du XIIIème siècle.

« Retrouver Dante m’est devenu nécessaire (…) le théâtre, c’est quelque chose qui se vit ensemble. » Serge Maggiani.

Et comme si cela ne suffisait pas de tout ce qui a été donné, le spectacle se termine sur une citation de Pasolini sur l’enfer et un extrait de film où Sylvana Mangano, considérée avec Dante comme le symbole de l’Italie, se tortille en chantant une chanson assez simplette.

Nous n’irons pas ce soir au paradis
Serge Maggiani raconte l’Enfer de Dante / Reprise
Textes La divine comédie de Dante, l’Enfer, chants I et V
Commentaires : Serge Maggiani
Collaboration : Valérie Dreville

Durée : 1h environ
du 26 mars au 11avril à 18 h

Théâtre des Abbesses
31 rue des Abbesses
75018 Paris
Métro : Pigalle
Réservations : 01 42 74 22 77
wwww.theatredelaville-paris.com

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