Critiques // Critique • « Les Marchands » de Joël Pommerat au Théâtre de l’Odéon

Critique • « Les Marchands » de Joël Pommerat au Théâtre de l’Odéon

Sep 25, 2013 | Aucun commentaire sur Critique • « Les Marchands » de Joël Pommerat au Théâtre de l’Odéon

ƒƒƒ critique Dashiell Donello

18 septembre-19 octobre 2013 / Odéon 6e<br /><br /><br /><br /><br />
" Les marchands"<br /><br /><br /><br /><br />
de Joël Pommerat© Elisabeth Carecchio

Seuls les morts ont une existence vraie, une vie réelle

Il y a deux femmes assises, elles sont amies. Baignées dans le luminisme d’une lampe et d’un abat-jour, elles s’entretiennent. Il y a une voix omnisciente, c’est la narratrice ;  qui est l’amie de l’autre femme assise à côté d’elle. Elle sait que le mot « amie » est flou, mais comme c’est son amie…

La narratrice pense que, pour cette amie, il est naturel d’entretenir des contacts avec des personnes qui sont mortes. Seuls les morts ont une existence vraie, une vie réelle. Donc elles parlent avec les morts, assez régulièrement même. Le jour où le père de l’amie est mort, il y a eu un grand vide dans l’appartement, un vide qui fait peur ; elle a quand même fait la folie d’acheter cet appartement, bien qu’elle croule sous les dettes. Elle n’a pas de travail et ne comprend pas  pourquoi elle ne peut en trouver chez Norscilor. Elle a pourtant passé des tests dans l’entreprise en vue d’un engagement, mais elle a échoué. Plus tard, bien plus tard, il y a eu une explosion chez Norscilor. La croyance de l’amie, en lien avec les morts et les vivants, provoque alors un effroyable fait divers. Son fils doit être sacrifié.

Où est celle qui nous parle ? A-t-elle bien vécu cela, cette narratrice qui nous dit travailler dans l’entreprise Norscilor où se côtoient 20 000 ouvriers? Où la rumeur fait courir le bruit d’une usine à l’industrie nocive et dangereuse.

Le théâtre de Joël Pommerat « vieillit », comme se bonifie un vin en prenant de l’âge. Même sa boîte noire a pris des cheveux gris. C’est son vœu de théâtre. Son écriture ombrée vient de la scénographie, des acteurs. Quand ces deux ingrédients sont là, tout peut commencer pour nous, public. Alors notre imaginaire se met en marche. Les fondus enchaînés, clignements de nos paupières, mettent en scène des personnages muets qui content une histoire qui nous dit que les hommes sont les marchands de leur propre vie.  Pommerat rejoue le sacrifice mythique par le détachement du réel au profit de la vérité d’une femme irresponsable qui voit sa sœur comme une prostituée et son père sous les traits de son oncle. C’est un beau récit venu de la matière-théâtre comme une pépite qui sortirait de la boue.

Bravo à cette épatante troupe du rêve et son illusionniste Joël Pommerat.  À la lumière de Eric Soyer. À l’exacte bande son de François Leymarie et aux costumes de Marguerite Bordat et Isabelle Deffin.

Les Marchands
De Joël Pommerat
Mise en scène Joël Pommerat
Avec : Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Lionel Codino, Éric Forterre, Murielle Martinelli, Ruth Olaizola, Jean-Claude Perrin, Marie Piemontese
Costumes: Isabelle Deffin
Son: François Leymarie
Lumières: Éric Soyer

Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon – 75006
Métro : Odéon
RER B: Luxembourg
18 septembre-19 octobre 2013
www.theatre-odeon.eu

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