Critiques // Critique • « Le cas de la famille Coleman » de Claudio Tolcachir, mise en scène Johanna Boyé

Critique • « Le cas de la famille Coleman » de Claudio Tolcachir, mise en scène Johanna Boyé

Oct 17, 2013 | Un commentaire sur Critique • « Le cas de la famille Coleman » de Claudio Tolcachir, mise en scène Johanna Boyé

Critique Anna Grahm

1283852622515 © Giampaolo Sama

Nais, sois et deviens

Difficile de démêler le cas de la famille Coleman. Ce qui cloche chez eux ? À peu près tout. Manques affectifs, manque d’argent, manque de repères. Dans cette famille-là, ils sont à fleur de peau, envahis par le dénuement. On ne sait pas trop comment ça tient. À chaque instant on frôle le clash. On ne sait pas bien qui est qui. Sont enchainés dans un même lieu exigu, alcoolo, glando, schizo, à huit sous le même toit, il est impossible de faire le tri entre les générations. Difficile pour eux d’avoir une quelconque vie privée et de trouver leurs marques. Entre une mère enfant, des enfants pas finis, mal grandis, les responsabilités sont diluées. Quant aux espaces intimes,eux aussi en mal de limites, ils sont sans cesse grignotés par les rivalités et la violence et empêchent toute possibilité d’épanouissement personnel. Dans cette maison de fous, au bord de la misère, on tache de survivre à coups de petits trafics et de débrouille, et même si l’exubérance tumultueuse exacerbe les conflits et rend invivable la cohabitation, on s’aime avec ses incapacités, ses différences, et ses trous béants.

Difficile de représenter la détresse de ceux qui vivent de bouts de ficelles et qui sont à bout. Et qui s’empêtrent de gesticulations hystériques et de repères flous. Et qui se noient dans l’absence chronique de pères. Difficile de dire qui de ces demi-frères et sœurs est entier et qui est à moitié idiot. Heureusement, le pire est contenu par la présence – l’omniprésence –de la grand-mère, qui tente, vaille que vaille, de maintenir le cap, tente de garder un semblant d’équilibre sur son petit monde en déliquescence. Mais la matriarche, magnifique Brigitte Faure, qui portait tout sur le dos, va finir par y laisser sa peau. Sa disparition brutale va faire exploser ce joyeux désordre et le naufrage de ce radeau de fortune aura lieu.

Pour représenter l’univers chaotique des Coleman, la metteure en scène a choisi un décor hyperréaliste fait de vieux meubles de récup. Pour animer cette tribu haute en couleur, elle a poussé ses acteurs à courir, crier, se battre. Et si l’énergie du fils dingo est juste et justifiée, si les jumeaux bancals, paumés, décalés mettent en relief les défaillances qui les dévorent, le jeu très « petite fille » de la mère immature n’est pas convaincant. Trop caricaturé, dommage. Je suis un désastre dit-elle. Son handicap mène à la confusion des places, à l’inceste. Ici s’arrête la générosité de la grand-mère, qui voulant protéger sa fille attardée, a laissé faire l’interdit. Si la cacophonie bâillonne les secrets inavouables de cette famille, si le caractère asocial de ses membres les met sur la touche, le désir de s’en sortir, longtemps étouffé, surgira, éclatera, quitte à abandonner derrière soi, tous ceux qui resteront désarmés. Car dans le monde pathétique de Claudio Tolcachir, on ne choisit pas où l’on nait, on paye cher ce que l’on est et si l’on veut changer, on devient en s’arrachant.

 

Le cas de la famille Coleman
De Claudio Tolcachir
Mise en scène de Johanna Boyé
Avec Arnaud Dupond, Guillemette Barioz, Brigitte Faure, Julien Urrutia, Élise Noiraud, Fanny Aubin, Boris Ravaine et Jacques Trin

Jusqu’au 27 octobre
Mardi, jeudi et samedi à 19h30 – mercredi et vendredi à 20h30 – Dimanche à 15h30

Théâtre 13/seine
30 rue du Chevaleret Paris 13
Métro : Glacière
Réservation 01 45 88 62 22

www.theatre13.com

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