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Critique • « Jeunesse sans Dieu » Texte de Ödön von Horváth au Théâtre de la Bastille

Mar 08, 2014 | Aucun commentaire sur Critique • « Jeunesse sans Dieu » Texte de Ödön von Horváth au Théâtre de la Bastille

critique Dashiell Donello

 JEUNESSE SANS DIEU

© Pierre Grosbois

« Les Nègres aussi sont des hommes »

Un professeurd’histoire géographie corrige les copies de ses élèves. L’un d’eux N, a écrit que « les nègres sont fourbes, lâches et paresseux ». Le professeur lui répond dans la marge du cahier : « Les Nègres aussi sont des hommes ». N se plaint à son père de cette fâcheuse réponse. Ce dernier vient parler au professeur et lui dit qu’il ne peut pas contredire ce qui est dit à la radio nationale. Puis c’est au tour du directeur de le convoquer pour lui rappeler que le gouvernement doit préparer moralement la jeunesse à la guerre et lui fait comprendre que s’il veut conserver son gagne-pain, il doit composer avec cette priorité.

Le professeur rencontre Jules César, un ancien collègue, dans un bar. Ils parlent de la jeunesse actuelle et Jules assimile les jeunes à des poissons, car ils ne pensent pas et ont des yeux sans émotions. Arrivent les vacances de Pâques ; les élèves vont dans un camp pour apprendre à se comporter comme des soldats. Là-bas, il y a déjà trois hommes qui sont là pour aider. Ils commencent à monter les tentes et le professeur dort avec le sergent. Sur la toile de sa tente, il découvre une tâche qui est peut-être du sang. L’un des élèves est tué au cours d’un entraînement militaire. Ce mort sera le révélateur implacable d’une société tout entière. Le professeur ne trouve qu’une seule issue : accepter un poste dans une mission catholique en Afrique, aller chez les « nègres », lui que ses élèves surnomment justement « le nègre ».

Je viens de relire ce livre et, je dois l’avouer, il me plaît, à moi aussi. Sans en avoir l’intention explicite, j’ai décrit pour la première fois le fasciste, rongé par les doutes – mieux encore : l’homme dans l’Etat fasciste. » Ödön von Horvath, dans une lettre à un ami, en 1937.

Ödön von Horváth (1901-1938) a vu la monté du nazisme en Autriche. Tout comme Brecht, ses livres ont été brûlés en place publique. Sa lucidité l’a obligé, comme le narrateur de son roman, à l’exil, loin de la peste brune. Il a donc raconté l’homme dans l’état fasciste dans son livre : Jugend ohne Gott. Lui qui disait : «  Je n’ai pas tellement peur des nazis. il y a des choses plus graves : celles dont on a peur sans savoir pourquoi. Par exemple, j’ai peur de la rue. Les rues peuvent vous vouloir du mal, les rue peuvent vous détruire. Les rues me font peur ». Ironie du sort, dans une journée de tempête à Paris, il fut tué par une branche d’arbre, avenue des Champs Élysées.

Le spectacle de François Orsoni avait un argument de poids avec cet excellent roman d’Horváth. Les thèmes sur Dieu, le peuple et la dérive nazie. Mais cette adaptation ne passe pas la rampe. Pour deux raisons simples : on ne comprend pas toujours bien et on entend mal les comédiens. Le naturalisme de leur jeu convoque l’ennui et l’on décroche souvent. On dirait un chantier de recherche où le théâtre ferait rejet de cette proposition. La frustration est forte on ne s’attendait pas à cette mauvaise surprise au Théâtre de la Bastille.

Jeunesse sans Dieu
Texte de : Ödön von Horváth
Mise en scène : François Orsoni
Avec: Brice Borg, Bert Haelvoet, Thomas Landbo, Estelle Meyer, Bernard Nissille, Florian Pautasso, Camille Rutherford, Jordan Tucker

Du 3 au 30 mars 2014

Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette
75011 Paris

www.theatre-bastille.com

 

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