ƒƒ Critique Djalila Dechache
© Gilles Rammant
Il est des spectacles qui vous prennent par la main, doucement, légers et puissants comme une mer sans limite, et vous vous surprenez à cheminer dans un monde étrange et pénétrant. Un monde de réminiscence, d’enfance, et de tourments. Cela commence par un mot, jeté sur la rive de la scène du théâtre, le silence. Il y en aura beaucoup : lorsque le comédien, sur le bord de la scène, attend un long moment, entre les mots et les émotions, entre les déplacements, entre les textes, entre lui et nous, entre Rilke et le comédien, entre nous et Rilke. Jérémie Sonntag se fait son chemin entre solo de poésie et vidéo.
Parfois la vidéo du Body Mapping arrive très vite dans le spectacle et n’apporte pas grand-chose ; on le sait bien que son cœur palpite, tout comme le nôtre d’ailleurs. « Tout élan de mon esprit commence dans mon sang ». Elle empêche de se poser sur le texte et les émotions du comédien, mais cela ne dure pas très longtemps. Ensuite, elle accompagne le solo et se fait plus douce, en évanescence.
Le spectacle est conçu à partir d’un montage de textes issus des Cahiers de Malte Laurids Brigge et de poèmes traversant l’ensemble de l’oeuvre de R.M.Rilke.
La musique est juste : dans son irruption, dans le dosage, dans le calibrage et le choix. L’ensemble donne une tonalité nostalgique et mélancolique. Avec de la légèreté et juste ce qu’il faut de gravité. Le micro utilisé est très doux aussi et s’accorde à l’atmosphère en demi-teinte, en clair-obscur.
Nous sommes au cœur, si l’on peut dire, de la quête du poète, qui voit une continuité entre lui, son intériorité, et le monde. Il célèbre aussi bien la vie que la mort. Visuelle et sonore, sensible et tactile, sa poésie nous traverse comme elle traverse le temps. Comme elle nous traverse, elle laisse des traces.
A l’image de : « Nous sommes les abeilles de l’Univers. Nous butinons éperdument le miel du visible pour l’accumuler dans la grande ruche d’or de l’invisible ».
Heureusement que des spectacles comme celui-ci existent et sont programmés à cette heure-là, après le jour et avant le retour à soi. Il nous est alors offert de poursuivre la rêverie et la réflexion. Jérémie Sonntag et Florian Goetz nous donnent des provisions de voyage et pour plusieurs jours.
Je n’ai plus de toit et il pleut dans mes yeux
Texte de Rainer Maria Rilke
Mise en scène : Florian Goetz
Conception : Jérémie Sonntag et Florian Goetz
Avec Jérémie Sonntag
Création et régie vidéo : Élise Passavant
Création et régie son : Maxime Vincent
Création lumières : Thierry AlexandreDu 3 avril au 25 mai 2013
Du mardi au samedi à 18h30
Durée : 1 heure environLe Lucernaire
53 rue Notre Dame des Champs
75006 Paris
Métro : Vavin
Réservation 01 45 44 57 34
www.lucernaire.fr