ƒ critique Djalila Dechache
Chat en poche est la seconde longue pièce de G.Feydeau (1862-1921) âgé alors de 26 ans, qui a écrit un vaudeville typique « sans mari trompé, sans jupon retroussé » dit Anne-Marie Lazarini dans le dossier de presse, très bien documenté par ailleurs, et on a envie de lui dire que c’est tout comme! Tout le monde complote avec tout le monde et cherche à batifoler. L’intrigue est assez mince : un bourgeois enrichi dans le commerce du sucre, engage un ténor pour dorer le blason artistique de sa fille qui compose une œuvre musicale afin d’entrer dans la cour des grands. Or, c’est un autre, venu de Bordeaux pour faire son Droit à Paris, qui fait son entrée dans la famille. Ce qui déclenchera quiproquos, jeux de mots, tics de langages, calembours, comique de situations, lettres d’amour, rendez-vous galants, chassés-croisés, portes qui claquent, sorties et entrées de cour à jardin. Pacarel, le chef de famille, lui fait passer une audition à l’Opéra devant un jury et c’est un désastre. Pacarel est discrédité, son avance financière perdue. Le faux chanteur ne se démonte pas pour autant et se met à faire les yeux doux à la jeune Julie qui doit se marier avec un autre, qu’elle n’aime évidemment pas.
La morale étant de dire qu’il faut toujours demander à voir la marchandise avant d’acheter.
Paris, ville amoureuse
Avant Feydeau, son aîné Jacques Offenbach (1819-1890) avait œuvré dans le même sens en composant une mémorable Vie parisienne à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1867, où Paris se présente comme le lieu par excellence de la prospérité économique et le lieu du plaisir et des phantasmes qui attire le monde entier. Les deux auteurs se situent dans le mouvement du théâtre de boulevard qui a connu son heure de gloire. À cet égard, on apprend au début de la pièce que « Paris est la ville des désirs effrénés et des corruptions faciles? ». En un mot, la ville où l’amour, les aventures, les ritournelles et les histoires sans lendemain, les affaires sont possibles et même encouragées. C’est flagrant comme tous les personnages veulent tomber amoureux et pour ceux qui sont mariés, cela ne change rien à l’affaire! L’ennui était donc de mise dans les appartements, ceux des avenues haussmanniennes et ceux des faubourgs.
Dès que la pièce commence, les comédiens sont pris dans un tourbillon qui ne s’arrête pas, entre ceux qui veulent une chose et ceux qui n’en veulent pas tout en voulant autre chose, l’essentiel étant que de créer des chassés-croisés de désirs et de conquêtes pour un happy-end final.
On sent que les comédiens se sont amusés à cette pièce, la complicité est de mise, comme les scènes où ils jouent la partition à quatre, il y a une totale synchronisation. Et ça chante, ça joue les chefs d’orchestre, des artistes qui vont illuminer le tout Paris, non loin de la Tour Eiffel en chantier et qui sera inaugurée en 1889.
Cette création marque un tournant ou juste une pause dans le parcours artistique d’Anne-Marie Lazarini, sans doute y voit-elle de quoi apporter un peu de légèreté et de rires dans une époque et une société, les nôtres, considérées comme très pessimistes.
En tous cas, elle a très bien fait de monter cette pièce en associant le travail de Dominique Bourde aux costumes ainsi que celui de François Cabanat qui a composé un décor judicieux, assez punchy et sur un plan incliné comme pour montrer que la vie ce n’est jamais linéaire, jamais très droit ni très tranquille.
Chat en poche
de Georges Feydeau
Avec Jacques Bondoux, Cédric Colas, Giulia Deline, David Fernandez, Frédérique Lazarini, Sylvie Pascaud, Dimitri Radochévitch
Mise en scène Anne-Marie Lazarini
Assistant à la mise en scène Bruno Andrieux
Décors et lumières François Cabanat
Costumes Dominique BourdeMardi, Vendredi et samedi 20h30 –
Mercredi et jeudi 19h 20h30 –
Samedi 16h –
Dimanche 15h –
Relâche lundiThéâtre Artistic-Athévains
45 bis rue Richard Lenoir 75011 Paris
Métro Voltaire
Réservations 01 43 56 38 32
www.artistic-athevains.com