Critique de Solveig Deschamps
Enfermement
Pas besoin de barreaux pour parfois se sentir prisonniers, nous avons cette faculté à rester à l’intérieur de notre tête, nous enfermant dans notre boîte crânienne, dans nos pensées, dans la peur de l’autre, dans une communication factice avec les autres, faisant des pieds et des mains pour nous en sortir, pour en sortir et même si les portes et les fenêtres sont accessibles, il y a des jours où nous n’arrivons pas à les franchir.
Dans sa nouvelle création Boris Gibé (fondateur en 2004 de la Cie des choses de rien) accompagné par Camille Boitel (metteur en scène, acrobate, musicien…) nous entraine dans son univers où les mots restent à la frontière de la bouche, seuls les corps résistent, s’entrechoquent, se raidissent, affrontent le vide, gardiens de notre incommunicabilité. Notre cerveau alerté nous lance des signaux: souvenirs de nos émotions à la lecture de Beckett, Kafka, souvenirs des rires de notre enfance quand nous nous cachions sous les tables recouvertes de grandes nappes devenant des maisons pour nous abriter.
Lignes fuyantes
Murs, plafond, sol de lycra recouvrent la scène, on peut s’y enfoncer, s’y suspendre, s’y accrocher, y tomber. Parois mouvantes, cube mouvant, en mouvement, aucune possibilité de se stabiliser. C’est un peu comme si Boris Gibé avait réussi à poser une représentation mentale de notre cerveau sur le plateau. Vidéo, lumières, univers sonore, création textile pour les costumes, les nuances de gris-blanc accentuent cette impression de solitude à plusieurs. Ils sont six sur le plateau : Une femme, 4 hommes et le décor. Ils sont danseurs, acrobates, physiques, décalés, ensemble et tout seuls. Ils se démènent avec leur incapacité à être ensemble, ils se confrontent corporellement aux autres, aux éléments du décor, ils s’immobilisent, se jettent dans les chausse-trappes, dans le vide…
Mais c’est bizarre, on sort du théâtre avec la sensation d’avoir tout compris et de n’avoir rien compris comme s’il manquait une structure à toute cette déstructuration très intelligente et très structurée, comme s’il fallait absolument rentrer dans la tête de Boris Gibé pour être convaincus. Convaincus de quoi ? Pourquoi nous faut-il toujours avoir envie d’être intelligents à la sortie d’un spectacle ? Le public est un drôle de zèbre.
« J’aimerais dans ce spectacle, évoquer avec humour et ironie, la métaphore d’un monde absurde, déshumanisé où plus aucun repère sensible n’est sûr ». Boris Gibé
Les Fuyantes
Dans le cadre du festival Hautes Tensions – Parc de la Villette
Conception et scénographie de Boris Gibé
Mise en scène de Camille Boitel
Sur scène Boris Gibé, Eric Lecomte, Xavier Kim, Florent Blondeau et Anna Calsina Forrellad
Création sonore et conception du dispositif interactif d’Antoine Villeret Création lumière d’Annie Leuridan
Dispositif temps réel de Cyrille Henry
Création images d’Olivier Arnaud, Camille Baudelaire, Cyrille Henry, Annie Leuridan, Emmanuelle Vié le Sage et Antoine Villeret
Création textile et costumes de Florinda Donga
Construction machinerie, accessoires et régie plateau de Bertrand Duval et Mathieu Delangle
Régie lumière-vidéo de Manue Vié Le Sage
Régie son d’Antoine Villeret
Décors de Nil Admirari
Du 11 au 14 avril 2012 à 19h
Théâtre Paris-Villette – Parc de la Villette,
211, avenue Jean Jaurès 75019 Paris
Métro ligne 5 – Porte de Pantin
Réservation uniquement auprès du Parc de la Villette au 01 40 03 75 75
www.theatre-paris-villette.com
N’oubliez pas de signer la pétition afin que le Théâtre Paris-Villette ne disparaisse pas !