À l'affiche, Agenda, Critiques // Critique • «  L’atelier volant » de Valère Novarina au Théâtre du Rond-Point

Critique • «  L’atelier volant » de Valère Novarina au Théâtre du Rond-Point

Sep 11, 2012 | Aucun commentaire sur Critique • «  L’atelier volant » de Valère Novarina au Théâtre du Rond-Point

Critique de Dominika Waszkiewicz

© Valère Novarina

Comme un air de déjà-vu ?

Des travailleurs exploités à qui on fait miroiter des augmentations pour améliorer le rendement, on connait ça. Des patrons obsédés par les chiffres et les actions de la Bourse, on connait aussi… Des licenciements abusifs pour augmenter les profits, on connait ! C’est la crise et on connait ! On connait ! On connait ! Certaines tesselles de la première pièce de Novarina (écrite en 1971) viennent, en effet, faire écho à une mosaïque on ne peut plus actuelle.  Cependant, il serait délicat de ranger ce spectacle sous l’enseigne « théâtre engagé ». _Il serait délicat de ranger ce spectacle sous n’importe quelle enseigne, d’ailleurs._

Boucot (bouche, trou) entre en scène dans un costume improbable et impose sa sonore présence avec fougue. Le rythme est donné et ne diminuera plus pendant les deux prochaines heures. Sur un plateau presque nu au fond duquel s’élève une curieuse abstraction colorée, les comédiens et les objets se heurtent et se bousculent sans relâche, sans échappatoire possible.

Les cinq ouvriers, ternes silhouettes grises aux traits tirés, subissent le joug fatal du patron, de sa femme et du docteur. Mais, comment la situation pourrait-elle s’améliorer pour ces pauvres pions suicidaires puisqu’ils ne possèdent pas le langage ?

Une descente dans l’usine dedans

Derrière le tableau cruel et halluciné de « l’usine du monde » avec tous ses malaises sociaux (tiens ! encore une expression connue), Novarina nous invite à regarder dans « l’usine dedans » et de faire un plongeon à l’intérieur des corps.

Bien présomptueux celui qui pourra affirmer avoir tout saisi de la trame proposée ! Au début, d’accord, on comprend plutôt tous la même chose. Mais, plus le spectacle avance, plus l’atelier vole et se déploie, plus nous nous enfonçons dans le maelström ouvert à nos pieds. Lâchera ? Lâchera pas ? Bientôt, il devient inutile de se cramponner à une quelconque quête de linéarité et les spirales fleurissant les costumes des ouvriers nous entraînent dans un univers ubuesque ouvert selon trois modes, basiques et primaires : buccal, anal et vaginal.

Le patron est, bien évidemment, du côté de la bouche, du verbe, du pouvoir donc. Il avance, il vit, il peut créer et inventer, renouveler le monde qui l’entoure.

Les ouvriers, quant à eux, restent cloitrés dans leur ventre et semblent subir les choses. Ils vont, reviennent, meurent parfois et revivent ensuite.

Enfin, madame Boucot serait le complément hystérique, la folie non exprimée de son mari.

Le chat est-il redescendu du toit ? Oui oui !

Qu’on aime ou qu’on n’aime pas cette diarrhée verbale, ce fumier débordant, on ne peut pas ne pas lui reconnaitre sa puissance fertile. Les comédiens nous livrent, avec une énergie folle, une idée de ce que pouvait être un marécage originel. Informe et foisonnant.

Et tout ça sans une fausse note !

L’Atelier volant
Texte, mise en scène et peintures de Valère Novarina
Collaboration artistique : Céline Schaeffer
Scénographie : Philippe Marioge
Musique : Christian Paccoud
Lumières : Joël Hourbeigt
Costumes : Renato Bianchi
Maquillage : Carole Anquetil
Dramaturgie : Adélaïde Pralon, Roséliane Goldstein
Construction du décor : Les ateliers de construction du Théâtre du Nord
Philosophie générale : Clara Rousseau
Adaptation des lumières en tournée : Paul Beaureilles en alternance avec Eric Blevin
Régie plateau : Raphäel Dupleix
Réalisation des costumes : Sylvie Lombart assistée d’ Anne Poupelin Réalisations des accessoires : Jean-Paul Dewynter

Stagiaire – assistante à la mise en scène : Marjorie Efther
Assistante de l’auteur : Lola Créïs
Production : Séverine Péan en collaboration avec Carine Hily / PLATÔ
Régie générale : Richard Pierre
Avec : Julie Kpéré, Olivier Martin-Salvan, Dominique Parent, Richard Pierre, Myrto Procopiou, Nicolas Struve, René Turquois, Valérie Vinci
Du 6 septembre au 6 octobre 2012, 21h
Dimanche 15h, relâche les lundis et dimanche 9 septembre
Durée 2h15

Théâtre du Rond-Point
2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
Métro : Franklin Roosevelt – Champs Élysées Clemenceau
Tél : 01 44 95 98 21
www.theatredurondpoint.fr

Be Sociable, Share!

Répondre

You must be Logged in to post comment.