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Critique. « Petits chocs des civilisations » Fellag au théâtre du Rond-Point

Sep 14, 2012 | Aucun commentaire sur Critique. « Petits chocs des civilisations » Fellag au théâtre du Rond-Point

Critique de Djalila Dechache

Après avoir établi une tournée de plus de 80 dates en France et en Belgique, Fellag se pose à Paris, au Théâtre du Rond-Point des Champs-Elysées avec sa version du « Choc des civilisations ».

Fellag2-copyrightSylvainBocquet

« La France est une Algérie française qui a réussi ».

La création du spectacle et sa programmation au théâtre du Rond-Point des Champs-Elysées font l’effet d’une justification au service d’une image restaurée de l’algérien et /ou du maghrébin, ces deux notions se confondant chez Fellag. La générale du spectacle débute le 11 septembre 2012, qui coïncide avec l’année du 50 ème anniversaire de l’Indépendance de l’Algérie et « de la décolonisation » ajoute t-il.

Pour la décolonisation, celle des esprits s’entend, il faudra attendre monsieur Fellag, nous n’y sommes pas, mais ce n’est pas le propos.

Autre date-clé, le spectacle commence sur son arrivée en France pour s’y installer cette fois, d’abord à Marseille, le 26 juillet 1995, date de l’attentat du RER Saint-Michel à Paris.

L’affiche fait apparaître un djinn avec un grand tablier de cuisine rouge, sortant mains brandies de la soupape d’une cocotte minute. C’est amusant, on se demande quel est le dessein de ce djinn ? Un djinn a toujours un dessein, une intention, quelque chose à faire une fois libre, c’est bien connu, il a été enfermé des années voire des siècles durant, celui qui le libère ne fut-ce par mégarde a droit à la réalisation de vœux.

Lorsqu’il affirme que, « La France est une Algérie française qui a réussi », on peut se demander selon lui et en inversant son aphorisme ce qu’est l’Algérie aujourd’hui ?

« Le couscous se mange de bouche à oreille ».

En plusieurs tableaux où la fabrication d’un couscous in-situ a lieu pendant la représentation, Fellag livre où il en est de sa relation à La France en France, avec son vécu et ses codes algériens.

C’est que le rapport n’est plus le même une fois la méditerranée traversée. En effet, les algériens en France pensent beaucoup à l’Algérie et inversement, ceux restés là-bas y pensent aussi et souhaitent venir ici. Et les français qui ont vécu là-bas, revenus ici, ils y pensent aussi.

Et ceux qui ont des parents ayant vécu là-bas et qui ne sont jamais allés en Algérie ? Ou retournés après 20, 30,40 ans d’absence ? Et ceux qui savent qu’ils ont une vague cousine, une aïeule, un ami qui y habite ? Bref, de près ou de loin il y a toujours une raison qui nous lie depuis la France, à l’Algérie et inversement.

Dans son spectacle, Fellag s’appuie sur le résultat issu d’une enquête réalisée en 2011, affirmant que le plat préféré des français est le couscous. N’est-il pas introduit de manière régulière et depuis fort longtemps dans les menus scolaires ou dans les selfs d’entreprises à l’heure du déjeuner ? Faire entendre l’hymne national français avec le salut, n’est pas franchement nécessaire pour marquer la chose.

Ce qui est intéressant sur le résultat sociologique de ce sondage et qui vaut autant pour le couscous que pour les autres spécialités culinaires étrangères appréciées en France, c’est qu’il interpelle : peut-on détester ou haïr un pays quand on aime et apprécie autant sa cuisine ?

Autre sondage évoqué : le français est le champion du pessimisme, le plus pessimiste de la planète, et à contrario le plus optimiste est ….L’afghan. On ne s’en serait pas douté, c’est sûr. Et encore, le français est le pire touriste du globe……etc.

Ainsi de suite tout au long du spectacle afin de démontrer que le salut des français, pour qu’ils puissent s’en sortir face au vieillissement de la population, au réchauffement climatique devra compter sur les algériens du fait d’une longue relation passée et actuelle, en « rendant obligatoires les mariages mixtes » et dont la philosophie naturelle « qui relativise les catastrophes et rétablit l’équilibre psychologique », le Mektoub, est l’anti- dote par excellence face aux épreuves de la vie.

« Choc de civilisations, deux temps qui s’entrechoquent….».

Bien sûr tout cela et le reste comme le racisme celui des français tout comme celui des algériens, est traité sur le ton de la comédie, avec les grimaces et mimiques, le sourire et l’accent chantant de Fellag

L’ensemble est basé sur des souvenirs de jeunesse, renvoyant à une Algérie d’avant, qui elle aussi a considérablement changé.

Quelques remarques sur le voisin marocain qui est « un algérien calme » ou « tous les épiciers en France sont marocains » fâchés avec les dates de préemption des produits périssables ou dans une moindre mesure au tunisien, ne permettent pas d’aller plus loin sur ce Maghreb tant évoqué, seulement évoqué.

Fellag a gagné en assurance dans son écriture, il affirme sa pensée, appuie sur les lieux communs négatifs que l’algérien ne cesse d’endosser en France en particulier.

C’est vrai que l’algérien est encore stigmatisé aujourd’hui et pourtant il a beaucoup changé lui aussi. Il s’organise, se défend mieux, compose avec sa culture, escompte les mêmes droits que les autres et que la nouvelle génération formée et prête sur le marché du travail, ne subira pas ce que les anciens ont subi, même si nul n’est à l’abri et que la route est encore bien longue.

Fellag s’amuse tout seul et avec nous jusqu’à faire dire au public français, par les maghrébins de la salle un « on vous aime » collectif et inversement par les français aux maghrébins de la salle. C’est gentil, bien intentionné à l’efficacité plus rapide qu’une attente de décision en haut lieu.

Cependant, deux points me semblent intéressants à souligner : Le Maghreb, El Ghrab, ne se limite pas aux pays Maroc, Algérie, Tunisie, qu’il signifie occident en arabe c’est vrai, mais que ce terme a été donné par les arabes eux-mêmes pour en marquer la différence géographique avec l’orient El Shark, en référence au lever et coucher du soleil, et enfin, la pluie de semoule tombant en rideau depuis les cintres au moment du salut, non seulement elle n’apporte rien au spectacle mais c’est tout simplement la scène de trop qui laisse un mauvais goût au couscous préféré des français.

Petits chocs des civilisations

Un spectacle de Fellag
Mise en scène : Marianne Epin
Décor : Sophie Jacob
Lumière : Philippe Lacombe
Son : Manu Laborde
Du 11 septembre au 10 novembre 2012 à 18h30 – relâche les lundis et les 15 et 16 septembre –  les 7, 9, 10, 11, 12, 13 et 14 octobre et le 1 novembre.
Durée 1h30
Théâtre du Rond-Point
2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt 75008
Paris Métro: Franklin D. Roosevelt – Champs Élysées Clémenceau.
Réservations 01 44 95 98 21 – 0 892 701 603
www.theatredurondpoint.fr

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