ƒ Critique Dashiell Donello

Maîtres et valets et vice versa

Pour nos jeunes qui découvrent Pierre Carlette de Chamblain de Marivaux (1688-1763), voici un petit résumé qui en dit assez pour titiller l’envie et n’en dit pas trop pour s’impatienter du dénouement. Silvia est en âge de se marier, mais appréhende d’épouser un homme qu’elle ne connaît pas. Elle décide de se montrer sous la fausse apparence de sa domestique Lisette. Orgon son bienveillant père sait que Dorante a eu la même idée. Il est amusé par la permutation des identités entre Lisette et Silvia. Sa fille pourra tout à loisir observer son futur mari. Seuls Orgon et son fils Mario sont au spectacle et connaissent ce « jeu de l’amour et du hasard ».

Cette comédie fusionne la forme comique et le fond critique dans un  conflit moqueur des relations maîtres et valets. Marivaux exprime ainsi, par l’intermédiaire d’Arlequin, les excès de la hiérarchie sociale par un jeu de farce. Le comique de situation (les scènes où les masques maîtres et valets tombent) est une pure merveille dans le théâtre de Marivaux. Le déguisement trompeur est le révélateur de hypocrisie sociale du 18ème  siècle. Ici l’habit fait le moine. Le spectateur étant dans la confidence, il ne voit pas la critique que lui adresse Marivaux. Elle souligne ce qui empêche le bonheur des hommes. On pourrait croire que Orgon et Dorante sont chahutés dans leur rang, mais il en est rien. Car c’est bien à un jeu consenti que l’on assiste. La liberté supposée n’a été qu’une ruse de riche. La morale est sauve et le triomphe de la transgression des règles n’aura duré que le temps de la mystification. L’opposition entre les sentiments amoureux et l’ordre social reste en place.

La mise en scène de Galin Stoev sert bien le texte et met en évidence le rapport maîtres et valets avec assez de pertinence. La scénographie configure des petites subdivisions vitrées qui se déplacent suivant les actes ou les scènes. Un affreux papier peint sert d’emballage à ces cubes pas vraiment scéniques. La direction d’acteur fait bien la part des choses entre la comédie et l’émotion. Léonie Simaga et Alexandre Pavloff sont attendrissants dans le trouble amoureux. Gérard Giroudon est plein d’humanité. Suliane Brahim apporte de la fraîcheur au rôle de Lissette. Pierre Hancisse parasite trop de sa personne son Arlequin, ce qui fait que l’on voit un brouillon de personnage. Le tout a comblé un public joyeux.

Le jeu de l’amour et du hasard
Comédie en trois actes et en prose de Marivaux
Mise en scène et scènographie de Galin Stoev
Avec Gérard GIROUDON, Alexandre PAVLOFF, Léonie SIMAGA, Pierre LOUIS-CALIXTE, Suliane BRAHIM, Pierre HANCISSE
Costumes Bjanka Adžic Ursulov
Lumière Elsa REVOL
Musique originale Sacha CARLSON

Reprise
DU 13 NOVEMBRE 2012 AU 3 JANVIER 2013
Comédie Française
Place Colette 75 001 Paris
M° Palais Royal
http://www.comedie-francaise.fr

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