Critique Dashiell Donello
Un huis clos dominical
Un dimanche, Louis revient dans la maison familiale, longtemps après l’avoir quitté. Il est malade et va mourir durant l’année. Il veut lui-même annoncer sa mort irrémédiable. Presque sans préliminaire, la famille va vite lui dire la rancune accumulée due à son absence. Beaucoup de paroles. Beaucoup de reproches. Louis ne peut rien dire de la gravité de son état. Il repart.
Juste la fin du monde trouve sa définition dans le discours, la précision de la langue. Les sous-entendus, l’exactitude de l’histoire, la concordance des temps, sont dans le langage même de Jean-Luc Lagarce (1957-1995). L’auteur cherche : le verbe, la conjugaison juste, la bonne locution. Peu d’actions, mais une narration plurielle. Tout se crée et se défait, entre l’arrivée et le départ de Louis, dans un huis clos dominical. Ce grand dramaturge devenu un classique contemporain[1], nous laisse deviner ce qui a motivé le départ de Louis : sa différence. Mais rien n’est moins certain. Ici, une réunion familiale comme il y en a partout ailleurs. C’est juste la fin du monde nous dit l’auteur, avec toute l’ironie d’une mort programmée. A quoi bon pleurer sur ce qui est, somme toute, le lot de chacun.
Or ce travail d’orfèvre qu’avait voulu Jean-Luc Lagarce sur sa brillantissime pièce est bien mal accompagné par une mise en scène trop volontaire et jouée en force. Rien ne nous est épargné : l’effet pour l’effet, les cris des comédiens sans à propos, des apartés pour un oui pour un non. Des ellipses contre nature avec une succession de noirs improbables. De l’apparence mais pas de fond et surtout un manque de sincérité générale. Pourquoi faire simple quand on peut tout compliquer ? C’est dommage que Juste la fin du monde soit le prétexte de l’expérimentation d’un metteur en scène qui se voudrait auteur à moindre frais.
JUSTE LA FIN DU MONDE JEAN-LUC LAGARCE
MISE EN SCÈNE SERGE LIPSZYC – L’ARIA
Interprètes Cédric Appietto, Marie-Ange Geronimi, Nathanaël Maïni, Marie Murcia, Chani Sabaty
Décor, scénographie et costumes Laetitia Franceschi
Lumière Benjamin Gicquel
Production L’Aria
Du 6 novembre au 1er Décembre 2012
Du MARDI AU SAMEDI à 21hL’Étoile du Nord
16 rue Georgette Agutte 75018 Paris
M° Guy Môquet
http://www.etoiledunord-theatre.com/theatre/index.php
Coproduction Ville de Bastia
Avec le soutien de la Collectivité Territoriale de Corse, du Conseil Général de Haute Corse, du Ministère de la Culture
Avec l’aide à la création et à la diffusion de l’Adami
Avec l’aide à la création de la CCAS
Création à A Stazzona à Pioggiola du 15 juin au 7 juillet 2012.
Lire également l’article de Dashiell Donello sur la pièce Juste la fin du monde
http://unfauteuilpourlorchestre.com/lecture-«-juste-la-fin-du-monde-»-jean-luc-lagarce-chez-les-solitaires-intempestifs/
[1] Juste la fin du monde- collection Classiques Contemporains – Les Solitaires Intempestifs. Au programme de l’option theatre du baccalauréat en 2008, 2009 et 2010, elle est inscrite à celui de l’agrégation de lettres classiques et modernes en 2012.