Critique de Solveig Deschamps
Mireille Havet ou La petite poyétesse (1898-1932)
Comme l’appelait Guillaume Apollinaire qui la publia alors qu’elle n’avait que 15 ans. Auteure quasi inconnue, sulfureuse, à fleur de peau, opiomane et homosexuelle, jouisseuse et grande amoureuse frôlant le sado-masochisme, amie de Cocteau, de Copeau, de Colette, de Cendrars, morte à 34 ans de tuberculose. Elle a écrit un roman « Carnaval », sa correspondance de 1913 à 1917 avec Guillaume Apollinaire a été éditée. On la redécouvre grâce à son journal intime retrouvé en 1995 dans une malle d’un grenier.
Écriture puissante, déchirée, joyeuse et douloureuse, sensuelle à la frontière de l’érotisme. Elle fait partie de ces femmes féminines et féministes, luttant pour leur liberté. Une femme en souffrance et singulièrement vivante. Une femme du début du vingtième siècle, témoin de la première guerre mondiale. Une femme libre.
Deux jours après la mort d’Apollinaire et l’armistice elle écrit : «quelque chose que j’ignore mais qui doit m’appeler, me désirer quelque part, et je n’éprouve pas de calme à rester chez moi. Il faut que je sorte, que j’achète, que je parle…»
Il y a aussi ces phrases qui font écho et donne envie de rentrer son univers, ses mots semblent sans compromis :
« Le monde entier vous tire par le milieu du ventre … »
« Ma folie ne me rend pas heureuse, mais je la préfère… »
« Ma légèreté me sauve, je m’envole, avec des pieds de plume et une âme de plomb… »
Parfois il est préférable d’ouvrir les livres et se laisser emporter
Que dire de cette triste lecture mise en voix par Gabriel Garran, figure emblématique du théâtre français ? Se souvenir de lui comme créateur du Théâtre de la Commune en 1965 puis du TILF en 1993, homme au service du théâtre populaire. Metteur en scène trop prolixe. Prolixe, c’est l’adjectif qui prenait possession de mon cerveau au fur et à mesure que l’ennui m’assaillait à l’écoute de Margot Abascal : linéaire, sans folie, insupportablement bourgeoise et à des années lumière de Mireille Havet. Il aurait fallu, du moins je me suis prise à rêver, qu’il aurait fallu une toute jeune lectrice, un peu déglinguée, fragile et maladroite, de ces comédiennes que nous rencontrons parfois, qui nous émeuvent et nous inquiètent. Même pour une lecture, le texte a besoin d’être porté au delà de ce qu’il raconte.
Pourtant il y en avait qui semblait avoir compris ce qui aurait pu se passer sur le plateau : David Stanley, pianiste accompagnateur, silhouette dégingandée, accordeur désaccordé mais il manquait la musique des mots.
Je serai abracabrante jusqu’au bout
D’après le journal de Mireille Havet
Mise en lecture de Gabriel Garran
Par Margot Abascal
Piano : David Stanley
Samedi 9 – Samedi 16 – Samedi 23 juin à 18hDu mardi au samedi 20h30
Théâtre de la tempête, cartoucherie
Route du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris
Station Château de Vincennes, bus 112 –arrêt cartoucherie
Réservation : 01 43 28 36 36
www.la-tempete.fr