Critiques // Critique • « Der Menschenfeind » de Molière aux Ateliers Berthier dans une mise en scène de Ivo Van Hove.

Critique • « Der Menschenfeind » de Molière aux Ateliers Berthier dans une mise en scène de Ivo Van Hove.

Mar 29, 2012 | Aucun commentaire sur Critique • « Der Menschenfeind » de Molière aux Ateliers Berthier dans une mise en scène de Ivo Van Hove.

Critique de Solveig Deschamps

Molière aurait-il été content ?

Il aurait sans doute jubilé de voir cette version allemande du Misanthrope qui a fait l’ouverture de saison de la Schaubühne à Berlin l‘année dernière. Comme si le fait de ne pas être français donnait une liberté, un souffle nouveau à sa pièce. Une traduction de Hans Weigel qui ne peut pas laisser indifférent, à la manière de… et avec des échappées contemporaines que n’aurait pas pu désavouer le sieur Poquelin , comédien de son état et qui devait, espérons le, procéder à quelques changements de texte pour le besoin du plateau. Nous arrive la traduction de la traduction du texte  en surtitrage sur deux écrans, troublante. On y attache son regard et puis on se laisse porter par l’histoire que nous connaissons bien, celle d’Alceste intrabilaire et sans concession, amoureux de la belle et frivole Célimène, luttant contre l’hypocrisie ambiante.

Le théâtre du XXI éme siècle

Des caméras, un écran qui permet de voir en gros plan les personnages qui jouent,  Oronte qui lit son sonnet sur un iPad. Du temps de Poquelin on éclairait à la bougie, bien plus tard avec l’électricité le théâtre a dû forcement s’adapter, se penser autrement et depuis quelques années nous voyons fleurir sur scène de nouveaux supports (vidéo, effets spéciaux…) et souvent on y perçoit la fragilité mais ici c’est comme si cette nouvelle technologie avaient été intégrée, digérée, évidemment quand on a les moyens de ses envies c’est plus  facile. Est ce le futur théâtre classique du XXII éme siècle ?

Putain de soirée !

Qui a dû en agacer quelques uns. Un décor design, presque aseptisé qui va devenir le dépotoir de cette société décadente, notre société faite d’apparence (oreilles collées au téléphone, regards fixés sur les écrans d’ordinateur) toute en surface, qui se contente des images qu’elle donne à voir. Alceste va se vautrer sur la grande table basse où se trouvent les ripailles, s’aspergeant de sauce, s’écrasant des gâteaux sur le visage  montrant ses fesses, déversant des poubelles sur le plateau, luttant contre la duplicité par l’obscénité. Un Misanthrope amoureux, sexuel et violent, malheureux qu’il est de ne pas être le seul objet des pensées de Célimène. Elle qui donne l’impression de ne pouvoir appartenir qu’à cet homme, même si les petits marquis lui permettent d’user de son envie démesurée de plaire.

Putain qu’ils jouent bien ces comédiens allemands ! Oui, Ivo Van Hove dans cette mise en scène nous pique, nous hérisse, nous fait du bien, nous fait sortir des conventions.

Et cette fin de représentation où Alceste (Lars Eidinger, -oui putain de comédien !) se met à décaper le plateau à la lance à incendie, erreur de manipulation, rattrapant de justesse le tuyau, juste avant que nous, spectateurs, soyons  douchés, comme s’il fallait aussi que nous fassions un peu le ménage dans nos cerveaux formatés. Rires dans la salle, rires sur le plateau. Jubilation du théâtre.

Der Menschenfeind [Le Misanthrope]
En allemand surtitré (Première en France)

De Molière
Mise en scène de Ivo van Hove
Traduction en allemand de Hans Weigel
Décor et lumière de Jan Verseweyveld
Costumes de An d’Huys
Vidéo de Tal Yarden
Dramaturgie de Maja Zade
Musique de Daniel Freitag
Avec Lea Lars Eidinger, Franz Hartwig, Corinna Kirchhoff, Jenny König, Judith Rosmair, David Ruland, Sebastian Schwarz, Nico Selbach.

Du 27 mars au 1er avril 2012
Du mardi au samedi  20h – dimanche 15h

Ateliers Berthier
1 rue André Suarès / 14 boulevard Berthier – 17e
Métro : Porte de clichy
Réservation : 01 44 85 40 40

www.theatre-odeon.fr

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