Critique de Djalila Dechache
Que savons-nous de J.R ? De Jacques Rebotier pour les intimes ? Au delà de ses nombreux textes ? Pour ma part, c’est la première fois que je le vois sur scène.
Mais oui vous savez bien celui qui casse les mots, les tapote, étrangle les sons, rabote les idées reçues et les pensées préétablies, qui nous met devant nos contradictions et qui rigole de lui, de nous de tout le monde ? C’est quoi ce rire qui fuse et qui au fil de la représentation se tait, se tapit dans un silence lourd parce que nous les voyons, ces saccages irréversibles de nous-mêmes et par nous-mêmes.
« Allumez-vous, éteindez-vous, allumez-vous, éteindez-vous »…………..
Ainsi « l’Homme » veut et il ne veut plus, celui qui se croit fort, le plus fort de la création, ici-bas, bien bien bas !!
« PARAISSEZ, DISPARAISSEZ, PARAISSEZ, DISPARAISSEZ………….. ».
Jacques Rebotier s’amuse à jouer au comédien qui lit son texte, variable selon l’ambiance, l’humeur ou l’envie du capitaine. C’est quoi cette comédie ? Où veut-il en venir, de quoi ça parle et que veut il nous dire assis sur sa caisse en bois aux inscriptions en lettres capitales HAUT, BAS, FRAGILE sur son pré carré de pelouse synthétiquement verte ?
C’est celle de l’homme qui pense avoir domestiqué l’animal, les espèces animales mais qui en fin de compte, les a exterminées …….
Toutes, sans exception, et de les citer avec détails historiques et numériques.
C’est trop triste, c’est trop dur.
Cela commence comme un conte aux allures inoffensives du style : « Tu me demandes ma chère enfant, comment faire disparaître de la surface de la terre, les animaux qui nous encombrent ? » dit J.Rebotier en prenant une voix de grand-père sympathique à la Victor Hugo. Oui en effet, mais l’art de J.R est de tout faire, de tout balayer d’un coup de crayon, ou d’un coup de menton avec son regard fermé qui voit tout : l’homme, l’univers, la bête, de celle qui va à l’abattoir à celle qui meurt parce que « le propre de l’homme d’est le sang, et les larmes du sang ». A commencer par les bêtes que l’homme tue à des fins de carnivorisme aigü jusqu’aux guerres récentes en « Ouenda, Rak ou Alestine », ou plus haut dans le temps avec le féroce héros à l’air aimable et sa vue basse, Buffalo Bill face aux amérindiens. C’est superficiel de se cantonner à la description de son spectacle-lecture : il faut le voir pour le croire parce qu’il est dans le juste mais surtout pour comprendre son écriture chorale, très fine, très jongleuse, acrobatique, faisant feu de tout bois tout en demeurant poétique.
Un sacré animal !
Tout y passe, les onomatopées, les tics de langages, les sons de bêtes bêêêêê, hi-han, hi-han, son de machines, l’ensemble fait partie de son écriture.
De même que pour lire J.Rebotier il faut le voir, lui, voir ce qu’il fait de son écriture. Oui monsieur Rebotier la seule espèce menaçante c’est l’homme face à un million d’espèces menacées. D’autres sont allés plus encore loin, pour dire que « l’homme est un loup pour l’homme », tout simplement.
Un comble, à se demander comment on a fait pour en arriver là ! C’est tellement plus facile de détruire que l’inverse. Requins, tigres, bisons, batraciens, dauphins (pas si gentils et si inoffensifs que ça paraît-il !, encore un mythe qui en tombant fait mal!).
On aurait aimé que J.Rebotier se libère de son texte, qu’il soit encore plus fou, plus délirant, plus dansant, plus cabriolant, qu’il s’envole, que ses feuillets s’envolent et que nous aussi, on s’envole avec lui. C’est dommage que parfois il n’ait pas donné plus de textes poétiques aux allures lyriques qu’il avait l’air de connaître par coeur. Sa voix semblait alors différente. Libre et touchante.
Il était très authentique dans ces moments-là, ne semblait pas jouer. Il devenait enfin l’animal empathique à son environnement et à ses semblables.
Le texte « Contre les bêtes » écrit il y a dix ans pour les Rencontres d’été de la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, vient de faire l’objet d’une nouvelle édition chez La ville brûle.
Contre les bêtes
De Jacques Rebotier
Mise en scène et jeu Jacques Rebotier
Régie Grégoire Houel
Production Compagnie VoQueDu 2 au 26 mai 2012- Du mercredi à samedi à 20h
Maison de la poésie
Passage Molière
157 rue Saint-Martin – 75003 Paris
Métro Rambuteau /Les Halles
Réservation 01 44 54 53 00
www.maisondelapoesieparis.com
www.rebotier.net