Critique d’Ottavia Locchi –

Un mariage, côté coulisses…

Quelqu’un s’est déjà demandé ce que se disent les demoiselles d’honneur quand elles se retrouvent entre elles lors d’un mariage ? Derrière la façade parfaite des demoiselles (moins à l’honneur que ce qu’elle auraient souhaité), peuvent se dissimuler rancœurs, jalousies ou secrets… Julia, Margaret, Frances, Giorgia et Brenda sont les demoiselles d’honneur du mariage de Sandy et Scott. Affublées de robes froufroutantes couleur pêche qu’elles n’aiment guère et tiraillées par le besoin de délaisser la réception, elles se retrouvent dans la chambre de jeune fille de la mariée. Sans le vouloir, les langues se délient, pour le plus grand bonheur du public qui assiste à un big déballage.

Avant d’écrire le scénario d’ « American Beauty » ou de la série « Six Feet Under », Alan Ball écrivait pour le théâtre. Souhaitant représenter les femmes de la middle class américaine, la situation paraît idéale, et les portraits sont caricaturaux à souhait. Margaret, la rebelle qui cache un cœur d’amoureuse transie, Frances, la jeune croyante-pratiquante-coincée, Julia, la belle trentenaire libérée qui croit plus aux liens du sexe qu’à ceux du mariage, Brenda, la lesbienne qui n’a pas oublié ses bonnes manières, et Giorgia, la malheureuse au mariage raté (cherchant quand même beau-gosse pour se consoler) qui boit sans se cacher.

Une problématique à l’américaine !

À priori, on s’attend à beaucoup de situations cocasses et de petites phrases juteuses. Chacun sait que la gente féminine ne se gêne plus lorsqu’il s’agit de s’épancher, surtout sur les sujets des hommes, de l’amour, du sexe, etc. Il ne faut hélas pas oublier que cette pièce parle de jeunes filles américaines. Ce qui induit que finalement, en France, on n’a pas exactement la même mentalité ! Du coup, certaines réactions peuvent paraître disproportionnées, et l’impression de pénétrer dans une sitcom montre le bout de son nez. Surtout avec ce rythme qui n’en finit pas de booster !

© Gilbert Houri

Dans sa mise en scène, Benjamin Castaneda tente de reconstituer réellement la tension de ce genre de moment. Les filles qui parlent en même temps ou se coupent la parole, les courses, les cris parfois, les petits fours et les flûtes de champagne qui s’introduisent, les silences pesants… Cette chambre devient un centre d’action tout à fait plausible. De plus, le metteur en scène a voulu creuser la propre profondeur de chacun des personnage. Ici, point de superficialité comportementale, chacune a droit à son moment dramatique… Comme dans une sitcom, en fait.

Un rythme à couper le souffle.

Les cinq jeunes filles cavalent sur scène. L’action ne se déroule pas, elle dévale et on ne voit pas le temps passer ! Quel galop ! Cela apporte beaucoup de vie et de fraîcheur à la pièce, et parvient même à faire oublier que nous ne pouvons pas tout à fait nous identifier à ces jeunes filles puritaines américaines. Les réflexions sont pourtant là, le rapport au mariage, à la jalousie, l’engagement, la place du couple, des regrets de la trentaine, des rêves de la vingtaine… Tous ces sujets sont traités sans tabous. En se mettant dans la peau d’une véritable américaine, cela frôle l’anti-conformisme !
Une belle énergie, donc, pour ces demoiselles (et le jeune homme) en scène.

Une pièce à voir dans le cadre de la mondialisation des mœurs… Faites-vous un bon burger en sortant, et ce sera parfait.

Cinq Filles Couleur Pêche
De : Alan Ball
Adaptation française : Anny Romand et Yvon Marciano
Par : la compagnie Pas d’Île sans Ailes
Mise en scène : Benjamin Castaneda
Avec : Frédérique Fricker, Barbara Lambert, Magali Loison, Vanessa Naveira / Véronique Martin, Andrea Wagenknecht et Florian Guérin / Guillaume Maddaleno
Graphisme : Olivier Bouilhaud Duvernay
Musiques : Alexandre Chacal Criado
Costumes : Caroline Négrier

Du 21 au 30 août 2011
Reprise du 9 novembre au 14 décembre 2011

Théâtre Marsoulan
20 rue Marsoulan, Paris 12e – Réservations 01 43 41 54 92
www.theatremarsoulan.com

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