Critiques // « Chute en hauteur », mise en scène Jean-Noël Dahan au Théâtre de l’Opprimé

« Chute en hauteur », mise en scène Jean-Noël Dahan au Théâtre de l’Opprimé

Nov 04, 2010 | Aucun commentaire sur « Chute en hauteur », mise en scène Jean-Noël Dahan au Théâtre de l’Opprimé

Critique de Bruno Deslot

Le vertige de l’instant

Après un échec, la chute est libre ! Quatre personnages, fuyant leurs peurs, les affrontent pour finalement s’en affranchir.

Quatre chaises en fond de scène, deux à jardin, une à cour et un plateau quasi nu, l’ensemble est brut, éclairé sans artifices, les comédiens peuvent se perdre à n’importe quel moment dans cette immensité immatérielle de l’angoisse que génère l’échec. La scénographie, poussée jusqu’à l’épure ne s’inscrit pas dans une démarche « esthétisante » mais au contraire contribue largement à donner le vertige, la sensation d’une chute que les corps des comédiens en mouvement évitent ou accompagnent à chaque narration. Le propos est juste, atteint sa cible et ramène les personnages à un vécu proche d’un réalisme assez déconcertant. Chacun se raconte à sa manière et se retrouve dans cette belle opposition que propose le titre du spectacle Chute en hauteur ! Dans une évocation elliptique, dont se dégage beaucoup de pudeur, chacun affronte sa propre histoire sous le regard des autres, des spectateurs… enfin du quidam que l’on peut croiser dans un moment de trouble extrême où la notion même d’échec fait sens dès lors qu’elle échappe à celui ou celle qui souhaiterait en garder le secret. Surpris, désemparés, révoltés, navrés, paniqués… autant d’émotions  et d’état que les comédiens expriment dans une fragilité quasi palpable et assez déstabilisante. Dans un contexte social de performance, l’échec génère de la souffrance exprimée à travers des récits lancés comme les thèmes d’une fugue et interprétés de manière polyphonique. Les quatre personnages investissent l’espace en rafales à l’image des attaques paniques auxquelles sont soumis ceux dont la chute se révèle être très douloureuse.

Qu’est-ce que l’échec ? Une question à laquelle le spectacle ne prétend pas répondre. Il s’agit plutôt ici d’explorer en contrepoint toute la complexité du phénomène et ce que cela génère, tous ces mauvais moments à passer, la manière dont l’estime de soi est touchée, le jugement d’autrui engendré. C’est le cas de Jean-Yves Duparc (Gérard) étudiant ayant échoué au concours d’entrée à l’ENS qui se remémore ce moment et en parle avec la candeur d’un petit garçon mais perd bien rapidement confiance en lui lorsque les autres lui rappelle son échec. Tout comme lorsque Guillaume Clayssen, (Antoine) avocat ambitieux et en charge d’une affaire très médiatisée, recommande à son client, accusé de pédophilie, de plaider coupable. Le lendemain, il apprend le suicide de son client. La descente aux enfers est inéluctable ! De là se dégage un sentiment de claustration, d’enfermement auquel Françoise Cousin n’échappe pas face à ses difficultés de s’intégrer à un groupe : entreprise, famille, amis, couple… Elle travaille dure et seule chez elle. Seule comme Christine Gagnepain (Camille), pourtant entourée d’une multitude de prétendants avec lesquels l’aboutissement révèle des failles récurrentes !

Les comédiens sont d’une grande justesse et d’une précision qui sent le vécu. Jean-Noël Dahan les a fait travailler à partir d’improvisations pour construire cette proposition en devenir, en perpétuel mouvement, comme la vie, avec tout ce que cela peut représenter de fragile et d’incertain.

Dans un élan de compassion, puis de compréhension, on finit pas chuter avec les comédiens et accepter l’échec pour tenter de mieux s’en affranchir.

Chute en hauteur
Mise en scène : Jean-Noël Dahan
Jeu : Guillaume Clayssen, Françoise Cousin, Jean-Yves Duparc, Christine Gagnepain
Collaboration scénographique : Laure Pichet
Costumes : Fabienne Desflèches

Du 3 au 14 novembre 2010

Théâtre de l’Opprimé
78-80 rue du Charolais, 75 012 Paris
www.theatredelopprime.com

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