Critiques // Critique • « Chroniques d’une haine ordinaire » de Pierre Desproges à la Pépinière Théâtre

Critique • « Chroniques d’une haine ordinaire » de Pierre Desproges à la Pépinière Théâtre

Oct 19, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « Chroniques d’une haine ordinaire » de Pierre Desproges à la Pépinière Théâtre

Critique de Anne-Marie Watelet

« Les gens malheureux ne connaissent pas leur bonheur », ça vous dit quelque chose?!
De la radio à la scène: hommage disparu il y a 25 ans, par Michel Didym à la Pépinière Théatre.à l’irrévérencieux humoriste et écrivain Pierre Desproges, Pour cela, il nous fait réentendre, ou fait connaître, son esprit ravageur à partir des chroniques diffusées à France-Inter en 1986. Tout de suite une remarque: au-delà de l’hommage, Didym nous rappelle qu’à cette époque – pas si lointaine – un humoriste, digne de ce nom, pouvait « rire de tout » sans mâcher ses mots, Chevalier sans peur et sans reproche ! Nostalgie d’une liberté d’expression sans pressions… Pour interpréter ces Chroniques, il a choisi deux actrices, « singulières et inclassables » au vu de leurs expériences follement variées, et auprès d’excellents metteurs en scène et chorégraphes. Dominique Valadié, a bien connu Desproges lors de quelque enregistrements de La minute de monsieur Cyclopède.
Au piano à deux ou quatre mains, elles se renvoient les soliloques et les pointes verbales avec verve, féroces parfois, et dans un rythme effréné; chacune dans son style propre, bien propre ! Car l’une, Christine Murillo, est ronde, au visage largement souriant et toujours malicieux, porte robe étincelante et queue de pie; l’autre, Dominique Valadié, très mince, pince-sans-rire, des yeux battus dans lesquels on perçoit l’ironie, en pantalon large noir et chapeau titi parisien, et de la gouaille dans sa voix.

© Mirco Magliocca

Un style d’écriture « à la jonction de deux mondes provenant du classicisme français et emprunt de fulgurance et d’insolence » nous dit le metteur en scène.
Et comme « ça fait moins mal quand on rit », tout y est: Dieu, la mort, le sexe, la politique, la culture, le fascisme, le sport, le bonheur… nous, le public, et lui-même. L’écriture admirablement travaillée nous fait vire-volter d’un sujet à l’autre, d’une anecdote (celle de Robinson dont la chute politique nous stupéfait) à des pointes satiriques insolentes. Il mêle associations de mots, dislocations d’expressions populaires, et l’absurde dans les raisonnements, suscitant rires et adhésion à ses moqueries jamais vulgaires. De longues énumérations-éclair de maux et de sujets graves se terminent par une pirouette dérisoire (« Quand mange t-on ? »). Ces ruptures à la base du comique, on les trouve aussi dans le travail de clown: contraste fulgurant entre deux tons, deux expressions, comme ici entre plusieurs registres dans le même monologue ou dialogue. Les comédiennes composent un duo virulent de clowns. La gestuelle de Dominique est déliée, souple et rapide; leurs mimiques et grimaces renforcent la plume acérée de l’auteur. Voix sombre qui se dérobe malicieusement de l’une; amples, claires intonations de l’autre, elles portent ensemble, en se complétant, leurs coups cruels dans la satire et la provocation.

Ces textes qui réveillent les polémiques d’alors, sont pour la plupart encore d’actualité. Desproges faisait bien de secouer notre intellect, notre mollesse de sages consommateurs en général. L’ironie, la dérision, l’humour noir… tout lui était bon pour déconstruire et mettre à mal les stéréotypes, les préjugés, tous ces modes de pensées ennemis de l’humanité; et aussi pointer du doigt les instigateurs de nos maux. En cela, il a fait œuvre de salubrité publique. Si seulement il pouvait voir rire de ses traits décochés 25 ans plus tard !!

Chroniques d’une haine ordinaire
Écriture
: Pierre Desproges
Mise en scène
: Michel Didym
Avec
: Christine Murillo, Dominique Valadié
Scénographie
: Laurent Peduzzi
Lumières
: Joël Hourbeigt
Costumes
: Christine Brottes
Collaboration artistique
: Eric Lehembre

À partir du 28 septembre 2011
Du mardi au samedi à 21h et matinée le samedi à 16h

La Pépinière Théatre
7 rue Louis Le Grand, Paris 2ème
Metro Opéra – Réservations 01 42 61 44 16
www.theatrelapepiniere.com

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