Critique de Denis Sanglard –

Qu’est-ce que le théâtre, de quoi est-ce fait, que peut on y faire et jusqu’où aller ? Voilà en gros les questions que Les Chiens de Navarre et son metteur en scène Jean-Christophe Meurisse posent avec « Raclette ». Soit une soirée entre voisins qui vire au jeu de massacre.

© Balthazar Maisch | LD web et région

Le metteur en scène Jean-Christophe Meurisse passe les plats avec jubilation. Entre improvisation maîtrisée et performance les acteurs s’en donnent à cœur joie dans une galerie de portraits au vitriol où surgit la monstruosité quotidienne et banale. Autour d’une table, d’un repas entre voisins, faire surgir le théâtre parce qu’on le décide, qu’on le dénonce d’emblée : avant même que ne commence le spectacle, les acteurs sont sur le plateau, faussement déguisés d’horribles perruques et barbes qu’ils ne tarderont pas à retirer pour jouer. Même le spectateur est replacé dans son rôle puisque l’appel est fait et que nous sommes sommés de répondre présent (maudite liste des réservations !). À partir de là tout semble possible, faire exploser la réalité et avec, les codes de la théâtralité. Le mot d’ordre est « l’intranquillité ». On ne s’étonnera donc pas de voir surgir un chevalier en armure à l’heure de l’apéro, d’assister à un duel à l’épée bien gore, d’entendre le récit interminable d’une randonnée cannibale pendant que s‘écroule le décors, d’assister au viol de la maîtresse de maison par une carotte géante, de comparer les testicules des acteurs, de finir par une partouze… Plus qu‘une raclette, c’est une salade russe. On y trouve de tout et même n’importe quoi.

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On peut trouver cela novateur. Cela est fort sympathique il est vrai. Et la salle rit beaucoup. Mais les intentions si louables soient-elles ne dépassent pas la blague potache. Au mieux sommes nous devant les héritiers abâtardis des Branquignols. Les questions posées et même la dramaturgie ont été déjà formulées auparavant et continuerons d’être posées. Seules différent avec plus ou moins de bonheur les réponses. Fallait il pour autant pour pousser les limites donner dans le trash et le cul ? Ce n’est pas tant le traitement qui pose problème mais le contexte. Jan Fabre ou Rodrigo Garcia par exemple qui en passent souvent par là ne le font jamais sans raison. Ici c’est gratuit. Cela reste au niveau du jeu, comme un exercice de style. La nudité, la crudité et même la banalité n’effrayent plus aujourd’hui qu’un petit nombre.

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À moins que nous ne prenions à l’envers le problème et que Raclette ne soit qu’une parodie ou une dénonciation de certaines dérives dans le théâtre contemporain, un catalogue raisonné des dernières tendances hype. Où comment faire du neuf avec du vieux sinon en compressant le tout, créer un joyeux et loufoque carambolage foutraque. Ce qui sauve la mise et pourrait incliner en ce sens c’est la distance permanente des acteurs avec la situation explosée plus qu’exposée. Qui semble dire que tout cela effectivement n’est pas bien sérieux et sauve du foutage de gueule auquel nous pourrions effectivement penser. « Raclette » reste un pur moment de théâtre qui doit être pris pour ce qu’il est, rien d’autre . Demeure quand même une certaine ambiguité qui laisse intranquille le chroniqueur de théâtre qui franchement ne sait à vrai dire que penser de tout ça… Somme toute c’est effectivement une raclette avec pommes de terre, jambon et fromage à volonté. Chacun se sert quitte à en laisser sur le bord de l’assiette.

Chiens de Navarre : Une raclette
Mise en scène : Jean-Christophe Meurisse
Avec : Carole Binder, Céline Fuhrer, Robert Hatisi, Manu Laskar, Thomas Scimeca, Anne-Elodie Sorlin,, Maxence Tual, Jean-Luc Vincent, Antoine Blesson ( et/ou), Claire Nollez
Création lumière : Mickaël Oliviero

Du 23 Mars au au 27 mars 2011

Théâtre des Bouffes du Nord
37 bis Boulevard de la Chapelle, 75 010 Paris – Réservations 01 46 07 34 50
www.bouffesdunord.com

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