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Cherchez la Faute ! d’après la Divine origine / Dieu n’a pas créé l’homme de Mary Balmani, mise en scène de François Rancillac, La Manufacture, Festival d’Avignon

Juil 04, 2019 | Commentaires fermés sur Cherchez la Faute ! d’après la Divine origine / Dieu n’a pas créé l’homme de Mary Balmani, mise en scène de François Rancillac, La Manufacture, Festival d’Avignon

 © Pascal Colrat et Mélina Faget

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Invités autour d’une table sur laquelle sont éparpillés diverses bibles, dictionnaires, livres d’exégèse, papiers et stylos, bouteilles d’eau, les spectateurs, une trentaine plus ou moins, sont conviés à une formidable dispute, une controverse animée sur la Genèse, dans la traduction quasi littérale et formidable d’André Chouraki. Ils sont trois à débattre, quatre si l’on compte le médiateur candide où la douceur et la fausse naïveté de François Rancillac faisait merveille ce soir-là. L’étude des premiers chapitres de la Genèse, la création d’Adam et Eve et du péché originel est menée tambour battant et fort savamment, sans pédanterie aucune. Et ça commence plutôt fort quand est réfutée vigoureusement la notion même de faute évoquée par Daniel, un des quatre exégètes. Mais où donc est évoqué cette culpabilité argumentent en réponse Danielle et Frédéric ? Nulle trace… Opérant donc une lecture critique, à la source hébraïque, éprouvant toutes hypothèses de lecture par l’étymologie et les récurrences d’un même mot, c’est une plongée vertigineuse et merveilleuse voire poétique, dans les arcanes de ce texte fondateur qui se révèle à nous, de questions argumentées en hypothèses audacieuses, d’intuitions soudaines en révélations fragiles. Une lecture à l’aune du mythe non du religieux. Pas de Vérité ici mais révélation sur l’inconscient de notre humanité. La parole circule, rebondit, hésite aussi. Chacun s’appuyant sur l’autre, jusque dans la contradiction, pour faire avancer le débat, échafauder une pensée ouverte à toute interprétation et ne jamais tomber dans la traduction univoque. La création et la solitude d’Adam, né de la terre (Adama), le don du jardin d’Eden à l’exception de l’Arbre de la connaissance, l’apparition d’Eve par le côté d’Adam, le rôle exact du Serpent… tout cela est analysé, argumenté minutieusement, non sans humour parfois, et doucement émerge une interprétation surprenante et franchement séduisante, celle de Mary Balmary, psychanalyste et exégète, dont François Rancillac fait ici l’adaptation, la découverte de l’altérité, de l’égalité et de la liberté. Dieu offre à ses créatures la possibilité inouïe d’accéder à la souveraineté, voire au divin, en sujet libre, doué d’une parole propre. De dire Je en découvrant le Tu, un Tu égal à soi-même et différent de soi. La véritable naissance de l’homme prend sa source là, dans cet échange avec l’autre, son alter-ego, dans la parole et l’altérité. Expérience certes ratée dans le jardin d’Eden, un serpent étant passé par là et dont le rôle exact demeure ambigu voire indispensable dans le dessein de Dieu, mais avec la possibilité de recommencer ailleurs, au-delà du Paradis originel dont il est chassé. Dieu en somme ne condamne pas l’homme il le rend maître de son destin. Mais au-delà de l’exégèse, et de cette adaptation lumineuse, ce que François Rancillac avec beaucoup de finesse et de simplicité met en scène, c’est l’acte polémique et nécessaire de la parole et de la lecture. Une parole libre, une lecture nécessairement critique. Réfutant toute interprétation religieuse pour une lecture laïque – au-delà de nos opinions – et polysémique, conscient d’un état d’urgence, il dénonce de fait les intégrismes qui prévalent  aujourd’hui, s’accaparant les textes fondateurs dévoyés sans vergogne, instrumentalisés au service d’une idéologie autoritaire, niant toute altérité, condamnant l’homme, broyant les femmes. Pour François Rancillac lire, débattre est un acte citoyen, un acte d’émancipation et de résistance. Invités donc autour de cette table, invités à relire ou à découvrir la Genèse, s’ouvre à nous un formidable espace de liberté.

 

Cherchez la faute ! d’après La Divine origine / Dieu n’a pas créé l’homme, de Mary Balmany

Adpatation et mise en scène de François Rancillac
Avec Danielle Chinsky, Daniel Kenigsberg, Frédéric Revérend
Et, en alternance, François Rancillac ou Fatima Soualhia Manet

 

Du 8 au 24 juillet 2019, à 10 h 45

Relâche les 11 et 18 juillet

 

La Manufacture

Festival d’Avignon

 

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