Critique de Dashiell Donello –

Cabaret, à la manière de « la prochaine fois je vous le chanterai »

« Avec la troupe de la Comédie-Française, j’ai voulu redonner vie à quelques-unes de ces chansons qui sont de petites pièces de théâtre, moqueuses ou tendres, farceuses ou mélancoliques, quelquefois tragédies, quelquefois parodies, quelquefois mélodrames. Portraits aussi bien que scènes de genre, chansons facétieuses ou nimbées de regrets, couplets riches d’espoirs ou tissés de déceptions, mélodies tendres, tonitruantes ou charmeuses. Bref, tous les genres… » nous dit Philippe Meyer, producteur de l’émission « la prochaine fois je vous le chanterai » sur France Inter. Cette émission commence par la proposition d’une chanson d’un auditeur. Ensuite, elle visite par des airs oubliés ou inoubliables, le thème du jour : le mariage, la guerre, l’amour etc. Si elle est agréable à entendre à la radio, elle manque un peu d’essentiel au théâtre comme il est dit dans la chanson La ballade des places… Car disons-le clairement, c’est bel et bien une adaptation de l’émission portée à la scène que « dirige » Philippe Meyer. Ce que l’on écoute à la radio nous fait voyager dans les images de notre mémoire et l’on se remémore nos moments joyeux, tristes ou nostalgiques à travers l’écran intime de notre vie. On vagabonde dans ses pensées. On voit et on se représente des instantanés d’existence. D’ailleurs, ne disait-on pas jadis que l’on regardait la radio ? Mais ce qui s’entend à la radio, ne convainc pas au théâtre.

Tant de sueur humaine pour un méli-mélo sans signifiant

Interpréter une chanson sans autre but que chanter pour chanter ne rajoute, ni n’innove rien dans ce qui ce fait déjà au music-hall. Dans ce « cabaret », à la manière de « la prochaine fois je vous le chanterai » il nous a manqué la figure  emblématique du   cabaret : la meneuse de revue, le meneur de jeu façon Jean-Marie Rivière. Une « reine » ou un « roi » des  nuits parisiennes en quelle sorte. Car ce qui fait lien à la radio (l’animateur), manque cruellement sur scène dans cette proposition de Philippe Meyer.

Si l’on veut donner vie aux chansons avec pour thème la crise de 1929, en faisant un parallèle avec celle d’aujourd’hui, il faut politiquement prendre parti en mettant en scène les différences, avec les tenants et les aboutissants. Au lieu de faire ce distinguo, on fait du spectacle, En douce, Et v’la pourquoi tout est au duc… La série des chansons illustrant ce thème est subjective, on aurait aimé qu’elle soit transgressive et qu’elle génère du sens. Le théâtre donne à regarder, dans un lieu, une action et une durée. Si c’est seulement pour dire que les chansons issues de l’immédiat après-guerre et des trente glorieuses sont inventives d’amour et de liberté, (ce que l’on savait déjà) on se pose alors la question de son utilité au théâtre ? Heureusement les comédiens et les musiciens sont un ravissement dans cette « crise »  où malheureusement le concepteur est dans un jour sans.

Chansons des jours avec et chansons des jours sans
Cabaret, à la manière de « La prochaine fois je vous le chanterai »
Dirigé par : Philippe Meyer
Avec : Florence Viala, Julie Sicard, Loïc Corbery, Serge Bagdassarian, Marie-Sophie Ferdane, Christian Hecq, Félicien Juttner
Musiciens en alternance : Pascal Sangla, Osvaldo Caló (piano), Frédéric Dessus (violon), Anne Causse (violoncelle), Jean-Claude Laudat (accordéon)
Direction artistique : Philippe Meyer
Direction musicale : Pascal Sangla

Du 23 septembre au 31 octobre 2010

Comédie Française / Studio-Théâtre
Galerie du Carrousel du Louvre, 99 rue de Rivoli, 75 001 Paris
www.comedie-francaise.fr

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